Edna Moore - Ca ne te coûtera que ta voix

Déterminée - Opiniâtre - Originale - Intelligente - Compliquée - Entreprenante - Sang-froid - Coquette - Entière - Matérialiste - Exubérante - Égoïste - Autoritaire - Intransigeante - Volage - Dévouée à son frère

Edna, c'est cette belle rousse qui te fais un sourire éclatant quand tu la croises dans la rue, avec cette fraîcheur naturelle qui te donne l'impression que tu viens de croiser un ange. Edna, c'est cette jeune femme à lunettes qui semble si compétente durant une réunion d'affaires où elle explique avec des termes complexes dans quelles difficultés telles ou telles sociétés vont se retrouver selon les derniers mouvements du marché international. Edna, c'est cet éclat de rire clair et joyeux qui résonne à la table d'à côté sur cette terrasse de café, cette voix chaleureuse et légèrement suave qui rebondit sur le trait d'humour de la personne avec qui elle discute et qui semble pétiller d'une énergie inépuisable. Edna, c'est cette femme au regard noisette qui te fixe sombrement alors que tu es attaché sur une chaise à te vider de ton sang, une moue déçue sur ses lèvres roses et délicates tandis que tu ne peux plus prononcer un seul mot dans ton agonie. Edna, c'est cette petite sœur qui va retrouver son frère pour se suspendre à son bras, un regard mêlant amour et admiration se levant sur le visage de son aîné alors qu'elle lui annonce avec bonne humeur qu'elle a les informations dont il avait besoin, et qui en recevant un baiser sur son front, est aussi heureuse que la plus heureuse de toutes les petites sœurs du monde.

Ah, Edna, douce et cruelle Edna, elle peut être votre meilleure amie comme votre pire cauchemar, tout dépendra du rôle que vous aurez à jouer dans ses desseins et ceux de son frère adoré, mais ne vous y trompez pas, elle n'est pas gratuitement cruelle ni mauvaise, ce sont juste les affaires rien de plus, et les gens ne sont que des pièces sur l'échiquier géant du monde, des chiffres dans un tableau de calcul, des variables dont il faut tenir compte pour bâtir un empire qui s'étendra au-delà des mers et des océans. Un pas après l'autre, ils tomberont tous, et cette certitude suffit à la faire parfaitement bien dormir la nuit.

Copie de la voix

A l'instant même où vous prononcez une seule syllabe, votre voix ne vous appartient plus. A l'instant même où Edna entend le son de votre voix, elle est capable de la reproduire à l'identique et ce peu importe vos inflexions ou votre accent, pouvant ainsi se faire aisément passer pour n'importe qui d'un point de vue sonore sans que rien ne permette de différencier l'original de la copie, tout du moins en ce qui a trait au timbre, tout le reste n'étant affaire que de mimétisme de la part de la jeune femme qui saura vous imiter quasiment à la perfection, s'exerçant depuis l'enfance à ce jeu hautement amusant dont elle a fait une arme redoutable.


Mutisme

Loin de s'arrêter là, Edna peut également vous priver temporairement de votre voix, vous empêchant d'émettre le moindre son, même étranglé, même soupiré, durant deux minutes chrono en main et, l'air de rien, ces deux minutes peuvent paraître atrocement longues lorsqu'on est en danger et que l'on a besoin d'appeler à l'aide. L'effet peut être cumulé si Edna reste à portée de voix de sa cible, portée qui varie forcément selon la pression de l'air, l'isolation en milieu fermée, la température, l'humidité et les nuisances sonores. A force d'entraînements soutenus perpétués depuis l'enfance, le don de la jeune femme est efficace jusqu'à environ 150 mètres en zone extérieure dégagée, contrairement à son frère qui lui n'a besoin que d'un simple visuel, chose qu'elle lui envie énormément.

Deuxième née d'une famille irlandaise pure souche, on peut dire sans hésiter que son enfance au pays du trèfle à quatre feuilles fut des plus heureuses et qu'elle ne manqua jamais de rien, surtout pas avec des parents versés dans les "affaires" et un grand frère de treize ans son aîné qui veilla sur elle dès le premier cri qu'elle poussa dans ce monde aussi cruel que magnifique. Sitôt que la petite eut appris à marcher, sa nourrice compris rapidement que la fillette la ferait toujours courir et cela ne manqua pas, les sbires autant que les membres de sa famille voyant régulièrement passer en courant et riant une petite fusée aux cheveux roux avec derrière elle une femme qui soupirait et en appelait au seigneur pour l'aider à canaliser celle qui, irrémédiablement, cherchait sans cesse après son frère dans les jambes duquel elle se précipitait sitôt qu'elle l'avait trouvé, s'accrochant à lui en réclamant ses bras, au grand damne de celle qui était censée la surveiller. Et il ne fallait même pas essayer de l'arracher à lui sans quoi ce n'était que cris, larmes et gros sanglots, pire qu'un caprice, l'absence de leurs parents absorbés par leur travail plaçant irrémédiablement l'aîné au-dessus de tous les autres, et l'on pouvait être certain qu'il suffisait que le jeune homme la prenne dans ses bras pour qu'immédiatement les larmes s'apaisent.

Petit à petit, Aeden prenant de l'âge, il commença à s'absenter de plus en plus pour vaquer à différentes occupations liées à ses aspirations, Edna cherchant après lui au point de refuser même de manger, renversant son assiette en boudant et croisant les bras en une imitation presque comique des adultes, n'eut été le fait qu'elle ne démordait pas et refusait d'avaler quoi que ce soit tant que son grand frère n'était pas revenu, ce qui augurait déjà d'un tempérament difficile et capricieux. Pourtant lorsque son don se déclara, ce fut sans surprise son aîné qui fut imité, comme un pied de nez à l'ordre qu'il venait de lui donner, voulant qu'elle reste chez eux tandis qu'il devait sortir s'occuper d'une affaire importante. Ce fut également sans surprise que sa nourrice fut la première victime de son don de mutisme, l'enfant n'hésitant pas à en user et en abuser sans jamais se lasser, adorant couper la parole aux adultes qui voulaient toujours lui dire ce qu'elle devait faire, comment se tenir, comment parler, s'habiller, être polie... Seul Aeden avait suffisamment d'autorité pour que, après qu'elle eut osée le rendre muet durant deux minutes, il établisse les premières règles sur l'usage de ses dons et parvienne à l'y faire s'y tenir, tout du moins la plupart du temps et à la condition que les adultes ne la provoquent pas, même si ça restait déjà très relatif au vu de son jeune âge.

Les années se sont écoulées, la petite fille curieuse de tout et incapable de tenir en place possédait un esprit délié et retors, si bien qu'il fallut très tôt lui trouver des occupations supplémentaires qui aideraient à la canaliser. Le sport, bien sûr, mais aussi le théâtre dont elle était particulièrement friande, ainsi que quelques cours de chant, de danse, de natation... Tout était bon à prendre, tout aurait forcément son utilité et tandis que Aeden se forgeait une réputation, Edna brillait dans ses études tout en se révélant être une jeune fille aux centres d'intérêts bien différents de ceux de son âge, ou même des personnes ordinaires en général. Elle et son frère évoquaient souvent les activités de la famille, d'une part car celles-ci débordaient irrémédiablement sur leurs vies privées à tous, et d'autre part car la rousse ne cessait d'affirmer qu'elle voulait suivre les pas de son aîné, non pas pour devenir indépendante à son tour comme c'était le cas du brun qu'elle adorait tant, mais pour pouvoir le seconder au mieux et qu'il puisse avoir une alliée sur qui compter quoi qu'il puisse arriver. Le sang ne mentait pas, la famille était la chose la plus précieuse qui soit pour eux, et la cadette faisait tout son possible pour apprendre et développer de nombreuses compétences, imposant dès ses douze ans une organisation méthodique dans les activités qu'elle voulait faire, refusant les choses qu'elle jugeait inutiles et s'employant à exploiter au maximum les "facilités" que la nature lui avait octroyé. Sa détermination et la maturité dont l'adolescente fit preuve dès cette période de sa vie surprirent jusqu'à ses parents qui approuvèrent pourtant son choix de carrière, la famille demeurant l'une des meilleures raisons qui soit et, notamment, leur fils qui avait su se démarquer et qui aspirait à davantage.

Lorsque Aeden décida de quitter l'Irlande pour aller s'installer aux Etats-Unis, Edna alors âgée de 15 ans obtint de leurs géniteurs l'autorisation de le suivre et de vivre avec lui malgré ses activités parfois hautement dangereuses, la cadette s'engageant alors dans un cursus collégial puis universitaire tourné vers la finance et le management, auquel elle ajouta un nombre étourdissant de cours et d'activités annexes destinés autant à élargir le cercle de ses compétences qu'à affûter son esprit et sa capacité à jouer les caméléons, voulant être capable de s'adapter à toutes les situations et à toutes les personnes qu'elle pourrait être amenée à côtoyer dans ses fonctions de bras droit de son frère. Pour sûr, ses études ne furent pas de tout repos et elle bûcha durement au point de s'épuiser plus d'une fois à la tâche, mais le défi hautement complexe qu'elle s'était lancé lui prodigua une immense satisfaction lorsque, finalement, son aîné accepta de la laisser prendre la place de l'ombre à ses côtés, commençant d'abord par de petites missions comme messagère pour de simples demandes de rencontre en vue de transactions censées se dérouler sans accroc. Évidemment tout ne se pas pas toujours comme prévu et à l'âge de 20 ans, la jeune femme eut droit à son premier kidnapping en bonne et due forme.


- Vous êtes tellement dans la merde.

Dit-elle alors que sa joue palpite d'une douleur irradiant dans tout le côté gauche de son visage que cette brute vient de gifler sans ménagement avec sa grosse paluche de malfrat de bas étage. Elle la sent, cette rougeur qui va laisser une marque durant plusieurs jours sur sa peau de pêche, ce léger saignement dans sa bouche à cause de ses dents parfaitement blanches qui ont ripés sur l'intérieur de sa joue et entaillées sa langue sous l'impact. Et pourtant, elle sourit Edna, elle sourit avec un mélange d'amusement et de certitude absolue alors que ses ravisseurs se disputent et lui gueulent de la fermer. Ils disent que c'est elle qui est attachée et qu'elle ferait bien de se taire si elle ne veut pas en prendre une autre, et c'est un rire clairement moqueur qui lui échappe cette fois.

- Mon Dieu vous ne savez donc pas qui je suis ? Vous auriez du vous renseigner avant d'enlever la messagère, je ne pense pas que mon frère approuve. Me kidnapper passe encore, business is business, mais me frapper...

La rousse secoue doucement la tête, les regardant avec un air de pitié provoquant, celui qui l'a frappée levant de nouveau la main et... celle de son collègue l'arrête en plein mouvement, le retenant par le poignet alors qu'il porte sur la jeune femme un regard soudain inquiet.

- ... C'est quoi ton nom ?

Parce qu'ils ne lui ont même pas laissé le temps de se présenter quand elle est arrivée devant eux, parce que ces imbéciles n'ont pas voulu lui laisser en placer une seule et qu'ils l'ont bâillonnée avant même qu'elle ne prononce un seul mot... ironique quand on connaît son don, don qu'elle garde précieusement en réserve et n'utilise que pour des cibles vouées à disparaître, si bien que la plupart du temps on la prend pour une sans-pouvoir sans importance, une simple messagère pour celui qui tire les ficelles... grossière erreur.

- Ohhh ! On dirait bien qu'il y en a un qui réfléchit et qui commence à comprendre.

Le ton est léger, amusé et pourtant c'est un éclat de peur glaciale qui passe sur les traits de l'homme qui écarte soudain son collègue alors que la rousse penche la tête de côté en une mimique parfaite d'enfant sage.

- Edna Moore.

C'est comme un couperet qui tombe et l'ambiance dans la pièce devient aussi lourde que si une chape de plomb venait de tomber sur les épaules des ravisseurs, le premier a avoir compris aboyant des ordres pour qu'on aille chercher un responsable quelconque, qu'on prévienne les gars, qu'on... Des cris résonnent un peu plus loin dans l'étage et les lèvres d'Edna s'étirent en un sourire ravi tandis qu'elle trépigne soudain sur sa chaise.

- Ah, on dirait que c'est trop tard les garçons, cela dit si vous me détachez, je pourrais plaider en votre faveur... sauf pour lui là, lui il est déjà mort.

Lâche-t-elle avec une sombre satisfaction, le meneur du groupe repoussant le cogneur qui proteste, veut qu'on la menace devant celui qui arrive, le troisième le faisant taire d'un crochet bien placé tandis que le meneur s'empresse d'aller détacher la rousse qui sourit de plus belle, les cris se rapprochant, entrecoupés de brefs tirs. Quelle diligence, quelle volonté de se rattraper, s'en serait presque admirable si ce n'était pas l'instinct de survie qui dictaient leurs actes. En quelques secondes la voilà libre et debout sur ses deux jambes, se massant les poignets marqués par le scotch abrasif qui lui a abîmé la peau. Un étrange silence prend le pas sur l'agitation qui était perceptible de l'autre côté de la porte dans le couloir, puis soudain la porte est défoncée d'un coup de pied, le chambranle volant en éclat du côté de la serrure, la silhouette d'un homme en costume se découpant dans l'encadrement.

- Aeden !

La rousse se précipite vers son frère, s'accrochant à son bras tandis qu'il la réceptionne avec un bref regard soucieux et sombre à la fois. Son visage est piqueté de gouttes de sang qui l'ont éclaboussé, de même que ses chaussures qui ont piétinées les cadavres, le sang et probablement d'autres choses aussi, de la poussière de plâtre entache le noir de sa veste à cinq cent dollars mais il n'a de yeux que pour elle, et c'est tout ce qui compte pour Edna. Sa main se lève et vient délicatement prendre son menton pour lui faire tourner la tête, la joue marquée lui arrachant un frémissement de colère noire, ses yeux couleur ténèbres se braquant sur les trois hommes qui ont reculés vivement, armes à la main. Il cherche, balaie son regard sur eux, et c'est comme si le Diable lui-même les condamnaient à mort. "Lequel ?" demande-t-il d'une voix grave qui fait fondre sa cadette, laquelle tourne la tête vers la brute qui lève déjà son arme et... s'effondre dans un gargouillis atroce, agonisant dans son propre sang qui s'échappe de tous ses orifices. Les yeux noirs passent à la seconde cible qui s'effondre à son tour mais, soudain, la rousse s'écarte pour bloquer le champ de vision de son frère.

- Ah, attends !

Le sbire libérateur s'autorise une inspiration, encore incertain, et la jeune femme d'à peine vingt ans se retourne pour venir vers lui, un sourire étirant ses lèvres. Elle lui prend doucement la main, le regardant avec chaleur, les yeux brillants.

- Comment tu t'appelles ?

- ... Karl.

- Karl... Karl, Karl, je m'appelle Karl et je vais mourir paisiblement.

Les yeux de l'homme s'écarquillent alors qu'il entend sa propre voix sortir de la bouche de la rousse qui se décale soudain sur le côté, tournant à demi vers son frère qui plisse les yeux, le libérateur portant soudain une main à sa cage thoracique, tombant à genoux alors qu'il perd son souffle. Edna le retient par le bras et l'aide à s'allonger, souriant doucement, une main caressant sa joue.

- Chhhhuuuut... Tout va bien Karl, c'est juste un mauvais moment à passer. Ferme les yeux petite souris, tu t'en vas pour un monde meilleur.

L'homme la fixe avec horreur, remuant les lèvres sans qu'aucun son n'en sorte, la rousse lui souriant avant de se pencher pour déposer un baiser sur son front, chuchotant ensuite d'une voix douce.

- Merci d'avoir été gentil, bonne nuit Karl.

La jeune femme se relève et soupire comme après un effort, époussetant sa tenue qu'elle lisse ensuite du plat des mains, revenant en sautillant jusqu'à son frère dont elle prend le visage entre ses doigts, essuyant les gouttes de sang qui s'y trouvent tandis que son regard noisette se porte sur lui avec admiration.

- Je savais que tu viendrais.


Loin d'être inquiétée malgré la réelle menace qui avait pesée sur elle, Edna avait démontré une fois encore que tout ce que elle et Aeden avaient échangé depuis l'enfance n'était que la plus pure vérité. Si petite elle ne craignait ni la vue du sang, ni celle des sbires mortellement blessés qu'elle avait entraperçue avant qu'un adulte ne l'éloigne du perron sur lequel avait échoué l'agonisant, son sang-froid apparent et sa confiance aveugle en son frère, couplés à sa patience et à sa détermination, prouvèrent à l'aîné que sa sœur était prête pour l'assister davantage dans ses affaires. C'est ainsi que jusqu'à-ce qu'elle ne passe son diplôme l'année de ses vingt-trois ans, la rousse paracheva son apprentissage des rouages du grand plan de Aeden, mettant ainsi à profit ses études et expérimentant sur le terrain ce que la finance et le management avaient à offrir en matière de floutage de limite entre légalité et criminalité. Tel un jeu sans fin dont l'échiquier serait le monde lui-même, Edna savoure chaque instant de cette vie et se plaît à endosser des rôles différents selon les besoins de leur cause, demeurant l'ombre derrière le grand homme, développant son propre réseau qui, bien qu'étant à plus petite échelle, lui permet de recueillir des informations de toutes sortes sans avoir à se salir les mains ni à s'impliquer officiellement. L'art de demeurer aussi innocent que l'enfant qui vient de naître est quelque chose que la jeune femme peaufine en permanence, car demeurer sans tâche est autant une nécessité qu'une demande de son frère qui veut malgré tout la préserver autant que possible, tout en la laissant s'impliquer dans ses affaires de manière officieuse. Croire que Aeden est seul est une erreur qui conduit ses détracteurs au cimetière. Croire que Edna est une créature fragile que l'on peut menacer en toute impunité sera également la dernière erreur que vous commettrez.