Danaë O'Brien

« Danaë est une fille adorable. Elle est aimante, loyale et toujours prête à aider les autres. Nous sommes évidemment très fiers d’elle, mais nous avons toujours eu un peu peur qu’elle ne se fasse marcher sur les pattes avec toute cette gentillesse… »
Tara et Aïdan O’Brien - Parents de Danaë


« Quoi ? Danaë ? Nan mais sérieux, elle est dangereuse hein ? Riez pas ! Peut être qu’elle vous parait toute douce et fragile, mais je vous jure que c’est juste pour cacher son vrai visage ! Elle est rancunière et vengeresse, et il est hors de question que je la croise à nouveau ! »
Dylan Javiery - Ancien petit ami


« Danaë ? Oh, elle est très gentille et très douce. C’est pour ça que les plus jeunes l’apprécient autant. Toutefois, alors qu’on pourrait la croire facilement manipulable, elle sait ce qu’elle veut. Elle est curieusement têtue et sait très bien se faire respecter si besoin. En fait, elle a le caractère parfait pour faire notre métier ! »
Nathaniel Devreau - Collègue de travail


« S’il y a bien quelqu’un à qui je peux tout dire, c’est Danaë, et ça, ça a jamais changé. Je sais qu’elle sera toujours là pour m’écouter, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit, parce qu’elle est comme ça, Foxy : y’a rien qu’elle ne ferait pas pour ceux qu’elle aime. D’ailleurs, je déconseille à quiconque de s’en prendre à ses proches – ou à elle-même, en fait – parce qu’elle réserve des sacrées surprises. C’est sûr que vu comme ça, elle a l’air douce et gentille et elle l’est, mais faut pas oublier qu’elle peut avoir un bon direct du droit ! Celui qui a dit que les filles avaient besoin de protection, ils ne connaissaient ni Parker, ni Danaë. »
Sigurd Hirtzfelden - Frère de coeur

Danaë m'a toujours adorée. En fait, elle était même ravie et soulagée, de savoir qu'elle m'aurait en grandissant, comme ses parents. Je pense qu'elle aurait mal vécu d'avoir un autre don que celui ci.
Oh, pardon, je me suis même pas présentée, je suis la renarde de Danaë, enchantée !
Comme je le disais, Danaë et moi, on s'est toujours super bien entendues, et mieux, elle adore passer du temps avec moi. Le sentiment de liberté que lui procure nos longues courses en forêt l'aide à se détendre et à réfléchir. Il lui arrive souvent de me laisser la place, lorsqu'elle rentre d'une dure journée de boulot. On se roule alors en boule sur les genoux de Sigurd, et on récupère sous les gratouilles. Bon, je garde toujours un oeil ouvert sur Hiver, on sait jamais.

D'ailleurs, Danaë a maitrisé sa transformation plutôt rapidement. Déjà, très jeune, je prenais beaucoup de place, mais ça n'avait pas l'air de la déranger. Cependant, en grandissant, ça devenait un peu nécessaire de maitriser tout cela, alors elle s'est appliquée à l'apprendre le plus vite possible, harcelant ses parents de questions et de démonstrations.
Maintenant, c'est tout aussi naturel pour elle et pour moi que de respirer, boire et manger. Cela fait très longtemps que je ne suis pas sortie à l'improviste sous le coup d'une émotion trop forte, mais on est à l'abri de rien je suppose !

Janvier 1995 - Chesscross, , maison des O’Brien

- Dana. Elle s’appellera Dana.
Le ton de sa femme était sans appel, et un sourire amusé s’afficha sur le visage d’Aïdan. Sa si douce Tara trouvait dans sa grossesse une férocité qui lui allait très bien, mais qui rendait sa vie autrement plus difficile. Indulgent, il répondit d’une voix douce où perçait son amusement.
- Je croyais qu’on avait voté pour le compromis et la discussion ?
Le rose monta aux joues de Tara qui baissa les yeux avec un sourire coupable, sous le petit rire de son mari. Tous les deux professeurs, ils étaient en général très rationnels et pleins d’arguments dans leurs désaccords. Mais la fatigue de la grossesse tendait à lui enlever sa patience autant que sa rationalité.
Elle fronça le nez et répondit d’une voix un tantinet geignarde.
- Mais je n’aime aucun des prénoms grecs que tu proposes ! On ne va quand même pas l’appeler Artémis ?!
Un nouveau rire échappa à Aïdan, qui trouvait pourtant l’idée très bonne. Bien qu’ils portaient tous deux des prénoms irlandais, le professeur de latin-grec tentait d’apporter à leur fille des consonances un peu différentes, ce qui ne plaisait manifestement pas à sa chère femme. Cette dernière s’entêtait sur des prénoms purement irlandais, et leur fille avait déjà réchappé à Sinead et Saoirse sous ses droits de véto.
La discussion n’était pas la première et sûrement pas la dernière qu’ils avaient à ce sujet, mais ils la relançaient régulièrement, au fur et à mesure que le terme approchaient.
Ils trouvèrent un compromis quelques jours plus tard, dans un prénom qui liait les origines irlandaises qu’affectionnaient tant Tara, et une référence grecque au grand plaisir d’Aïdan. Et c’est ainsi que le prénom fut choisi.


Novembre 1995 (7 mois) - Chesscross, maison des O’Brien

- Danaë ça suffit ! Tu manges !
La voix d’ordinaire si douce de Tara résonna sèchement dans la cuisine, laissant percevoir un épuisement sous jacent. En effet, la période était loin d’être la plus facile, entre la poussée des dents qui raccourcissait drastiquement leurs nuits, et la diversification alimentaire pour laquelle leur fille ne semblait pas très emballée.
Ladite fille secoua fermement la tête, la bouche fermée, les yeux assombris par la colère et la détermination. Un soupir échappa à sa mère, et c’est Aïdan qui prit le relais, se redressant pour réprimander l’enfant, que le goût des épinards n’enchantait manifestement pas.
Un hoquet échappa alors à son mari, poussant Tara à reposer les yeux sur la chaise haute… dans laquelle se tenait un adorable renardeau. Ce dernier se tortillait en couinant, entre peur et surprise, poussant Tara à le prendre dans ses bras.
- Oh ma chérie, ce n’est rien, ce n’est rien !
Des larmes de joie coulèrent sur ses joues, et elle adressa un sourire lumineux à son mari dont les yeux débordaient eux aussi.
La colère de la petite fille avait manifestement poussé son renard à sortir, révélant ainsi son don à ses parents pour la première fois. Leur fille était une thérianthrope, comme eux. Une canidé, comme eux.
Aïdan soupira d’un soulagement évident. Ils pourraient la garder auprès d’eux aussi longtemps qu’elle le voudrait, et ça n’avait pas de prix. Le petit renard venait compléter son lycaon, et le coyote de sa femme.
Ils passèrent l’heure suivante à jouer avec le renardeau, avant que la fatigue ne la fasse redevenir enfant, et qu’ils n’aillent la coucher pour la sieste. Elle évita même les épinards ce jour là !


Juin 2005 (10 ans) - Chesscross, Maison des O’Brien

- Danaë, va ouvrir s’il te plait !
Sortie inopinément de son Disney, l’enfant ronchonna mais s’exécuta. Certains diraient qu’elle était de toute façon trop vieille pour ce genre de dessins animés, et à ceux là, elle leur mordait les chevilles en réponse.
La rousse jeta un coup d’oeil par la fenêtre avant d’ouvrir la porte avec un salut poli de la tête, se retournant pour lancer à tue-tête dans la maison :
- Mamaaaaaaaaan ! Papaaaaaaa ! C’est l’Alpha !
Elle sourit au chef de sa meute et s’effaça de l’encadrement pour le laisser rentrer, surprise de le voir suivi par un impressionnant -et bien portant- monsieur qu’elle ne connaissait pas, et un petit garçon énergique, de quelques années plus jeune qu’elle.
Elle salua poliment les deux adultes, puis sourit au jeune garçon.
- Salut ! Je m’appelle Danaë ! Tu veux venir regarder Mulan avec moi ?
Son nouveau camarade hocha vivement la tête, et après l’accord des adultes, ils se retrouvèrent devant la télé, à regarder le capitaine Chang invectiver ses recrues pas très dégourdies.
La roussette fredonna en rythme avant d’entamer la discussion avec son jeune invité une fois la chanson finie. Enfin, elle tenta, car il ne parlait quasiment pas un mot d’anglais. Il s’appelait Sigurd -et il lui fallu plusieurs essais pour arriver à le prononcer correctement, et il avait 6 ans. Le reste, elle ne comprit pas un seul mot, et lui non plus, aussi se contentèrent-ils de regarder le dessin animé. Ils eurent le temps de le finir et de prendre une goûter avant que les adultes ne les rejoignent.
Le choc s’inscrivit sur les traits de ses parents à la vue du jeune garçon, et quand sa mère demanda quel âge il avait, dans un souffle étranglé, Danaë fit le rapprochement. D’un bond, elle se leva pour enlacer sa maman que la réponse avait fait pleurer. Oui, si sa maman n’avait pas perdu son petit frère Liam avant la naissance, c’est l’âge qu’il aurait eu, lui aussi… 6 ans.
Ce fut son père, qui dit au revoir à leurs invités, s’excusant pour les émotions à fleur de peau, et raccompagna l’Alpha, le monsieur et le garçon à la porte.
Une fois les larmes séchées, et le chagrin atténué, ses parents lui expliquèrent alors que Sigurd et son père arrivaient du Danemark, qu’il était commissaire de Police, et que sa famille allait parrainer leur arrivée pour les aider à s’installer.
Ce que Danaë ne savait pas à ce moment là, c’est l’énorme place qu’allait prendre Sigurd dans sa vie, et celle de ses parents.


Septembre 2006 (11 ans) - Chesscross, Maison des O’Brien

- Danaë ! Sigurd ! Dépêchez-vous, vous allez être en retard !
- On arriiiiiiiive !
Des éclats de rire suivirent la réponse à double voix, puis les deux garnements dévalèrent les escaliers comme des furies en se chamaillant joyeusement.
- Prem’s ! Cria la roussette en posant la main sur la table de la cuisine, grimpant sur sa chaise pour prendre son petit déjeuner.
- C’est pas juste, ronchonna le blondinet en réponse, t’es plus grande, tu cours plus vite !
Tara s’avança avec un sourire amusé, déposant un baiser sur le front de chacun des enfants attablés.
- Allons, vous verrez ça plus tard. Mangez vite, ou Parker va partir sans vous.
Danaë hocha la tête et s’attela à son petit déjeuner, babillant avec celui qu’elle considérait déjà comme son petit frère. Après tout, il avait même un lit dans sa chambre, pour des cas comme hier soir, où son père travaillait tard et qu’il restait dormir ici. Ce qui arrivait souvent en vérité, et qui ne déplaisait à personne. Toute la famille O’Brien adorait avoir Sigurd à la maison, et sa présence semblait avoir aidé à enfin guérir une blessure autrefois à vif dans le coeur de ses parents, et notamment de sa maman. Pour Sigurd aussi, c’était agréable d’avoir à nouveau une maman, et ça ne dérangeait pas Danaë de partager.
Des coups retentirent à la porte, et une tornade à la peau métis entra dans la cuisine.
- Vous êtes ENCORE a table ?! Mais on va être en retaaaard !
Danaë éclata de rire et finit son bol de lait en quelques secondes, bondissant de sa chaise pour attraper son sac et embrasser ses parents.
- Voilà voilà, je suis prête !
- Danaë ? Tu es en chaussons…
La concernée baissa se yeux gris sur ses pieds alors que ses joues rougissaient et que tout le monde éclataient de rire. Elle grimaça joyeusement et entreprit d’enfiler des baskets pendant que Sigurd finissait lui aussi de se préparer et de dire au revoir à Tara et Aïdan.
- Faites attention sur le chemin, restez bien ensembles.
Ils habitaient à quelques minutes à peine à pied de l’école, raison pour laquelle on les laissait y aller seuls. A peine sa mère avait-elle finis sa phrase, que les trois garnements étaient déjà hors de la maison, se dirigeant vers l’école au pas de course pour ne pas rater la sonnerie. Aussi n’entendirent-ils pas Aïdan, répondre à sa femme d’un ton amusé :
- C’est plutôt pour les autres habitants de Chesscross que je m’inquiète moi.


Juillet 2011 (16 ans) - Chesscross, la plage

- Mh, la glace à la vanille, c’est vraiment la meilleure !
Sigurd ne prit pas la peine de la contredire. Soit parce qu’il était d’accord, soit parce qu’il savait choisir ses batailles, et que se chamailler pour un parfum de glace ne lui disait rien aujourd’hui. Danaë ferma les yeux, tournant son visage vers le soleil pour profiter de sa chaleur, et de la légère brise qui l’accompagnait. C’était l’une de ces magnifiques journées d’été que leur offrait souvent Chesscross. Son frère et elle avait décidé d’aller profiter du bord de mer, intrigués également par la compétition de surf qui s’y déroulait.
- Tu ne retrouves pas Dylan aujourd’hui au fait ?
Malgré ses efforts, Danaë ne put s’empêcher de rougir à la mention de son crush, et tout nouvellement copain. Dylan avait deux ans de plus qu’elle, mais lui avait curieusement rendu son intérêt. Ils s’entendaient bien, riaient beaucoup, et s’embrassaient pas mal aussi. Il était si beau..
Sortant de ses pensées, la rousse secoua doucement la tête.
Non, il avait quelque chose de prévu avec ses parents, on doit se voir demain ou après demain.
Son frère hocha la tête en prenant une autre bouchée de glace, et la jeune fille fit la moue. Elle savait bien que Sigurd n’appréciait pas beaucoup Dylan, mais elle pensait que c’était surtout lié à sa jeunesse. Il n’avait que 12 ans après tout. Elle pensait aussi qu’il était un peu jaloux de l’attention qu’elle accordait à son copain, et du temps en moins qu’elle passait avec lui.
Aussi passa-t-elle un bras autour de ses épaules, embrassant le haut de son crâne avec affection. Elle ne pourrait pas le faire bien longtemps, car malgré leurs quatre ans d’écart, il semblait grandir à une vitesse hallucinante ! Elle le taquina gentiment :
- Tu sais que c’est toi que je préfère hein ?
Un petit rire lui répondit, et il se dégagea en grommelant, mais elle savait que ça lui avait fait plaisir.
Ils marchèrent encore un moment, discutant de tout et de rien, avant d’arriver en vue des installations pour le concours de surf. Ils s’installèrent sur un muret qui délimitait la plage et la promenade en béton qui la bordait. Ils finirent leurs glaces en observant ces silhouettes défier les vagues avec leurs planches.
Pour une fois, le père de Sigurd réussit à finir le boulot plus tôt, et appela son fils pour lui proposer un peu de temps père-fils. Son frère paru gêné se la laisser, mais elle le rassura et sourit de son enthousiasme alors qu’il partait en courant en direction du commissariat pour profiter de la présence de son père.
De son côté, elle tenait à profiter encore du soleil et de l’océan, aussi resta-t-elle posée là, à regarder les participants du concours se changer, ranger leur matériel, et discuter des performances de chacun. Alors qu’elle les parcourait des yeux, perdue dans ses pensées, il lui sembla reconnaitre quelqu’un.

Fronçant les sourcils, elle avança sur le sable, vers un couple qui discutait. La jeune femme, aux longues mèches blondes, étaient l’une des participantes, et elle avait même gagné la compétition d’aujourd’hui. Elle était très belle, et devait avoir quelques années de plus qu’elle. Toutefois, ce n’était pas elle que Danaë avait remarqué, mais bien le jeune homme qui l’accompagnait et lui tenait la main. Le temps qu’elle s’approche assez pour être sûre de ce qu’elle voyait, le jeune couple s’était déjà embrassé une ou deux fois.
- DYLAN ?!
Le garçon sursauta et se retourna. Lorsque ses yeux sombres tombèrent sur elle, son teint hâlé pâlit un instant, avant qu’il ne reprenne contenance.
- Danaë ? Qu’est ce que tu fais là ?!
Il lui demandait à ELLE ce qu’elle faisait là ?! Non mais c’était l’hôpital qui se fou de la charité.
- Je me balade sur la plage, j’ai le droit non ?! Mais toi, qu’est ce que tu fous là ?
Elle désigna la jolie blonde d’un signe de la main.
- Soit tes parents ont bien changés, soit t’étais sacrément bourré quand tu m’as donné ton programme de la journée.
La jeune femme intervint avant qu’il ne puisse répondre, demandant que ce qui se passait au juste, et qui était la jeune rousse. Et c’est là que cet abruti décida de faire le malin, et répondit d’un ton dédaigneux :
- Oh, c’est personne. Une petite qui a un crush sur moi, tu sais ce que c’est.
Entre le ton utilisé et les mots prononcés, Danaë ne put réagir tout de suite. A son grand damn, elle fut d’abord renversée par une douleur débordante qui lui déchira le coeur. Cela du s’inscrire sur son visage, car la jeune blonde s’écarta vivement de Dylan, en ayant un mouvement vers elle. Une pensée traversa son esprit, et elle estima un instant qu’heureusement que Parker n’était pas avec elle, ou ce mec serait en chemin pour les urgences actuellement…
Il lui sembla qu’ils se disputaient un instant, mais elle n’entendit pas vraiment grand chose. A l’intérieur d’elle, sous la tornade rugissante d’émotion, le chagrin et la douleur laissaient lentement place à une colère dévastatrice qui menaçait de la faire exploser. Et comme elle ne tenait décemment pas à ce que ce c*nn*rd ait la satisfaction de l’avoir fait perdre ses moyens au point de perdre le contrôle sur sa renarde, Danaë se concentrait sur sa respiration.
Inspirer.

Expirer.
Recommencer.

Une main douce se posa sur son épaule, et la fit sursauter, la sortant de sa trans. Elle releva les yeux, pour tomber sur le doux visage compatissant de la blonde. Dylan n’était nulle part en vue, et elle le lui confirma d’une voix cassante :
- Cet abruti est parti. Avec une engueulade et une baffe en prime. Quoique j’ai hésité à lui piquer son maillot de bain pour le regarder retourner chez lui le cul à l’air.
La réplique acide de la jeune femme décrocha un sourire à Danaë, ce qui semblait être le but. Elle se présenta, et lui proposa de lui payer une glace pour se faire pardonner, bien que ce ne soit pas de sa faute. Un peu chamboulée, mais touchée par la compassion d’Hanaelle, la rousse se laissa tenter.
Et bien lui en prit, car c’était là le début -certes cocasse- d’une très belle amitié.


Mars 2014 (18 ans) - Chesscross, Hôpital

- Danaë, tu ne veux pas t’asseoir ma chérie ?
Le ton était las, inquiet mais doux. Sa mère n’était pas vraiment dans un meilleur état qu’elle. Elle secoua doucement là tête en réponse. Elle n’était pas capable de s’asseoir, de se poser, de s’arrêter. C’était impossible. Si elle le faisait, alors son esprit avait toute la place nécessaire pour imaginer des scénarios effrayants qui lui donneraient encore des cauchemars dans 15 ans.
Ils étaient à l’hôpital depuis plusieurs heures maintenant. Son frère était dans l’une de ces sales d’opérations, en train de se faire amputer d’une jambe. Cela lui semblait totalement irréel, malgré l’inquiétude qui rugissait dans son crâne.
Comment allait se passer l’opération ? Allait-ce suffire ? Et le reste de sa vie ? Pourrait-il remarcher ? Allait-il le supporter ..?
Tandis que son cerveau s’empêtrait dans toutes ces questions sans réponses, ressassant son anxiété, un médecin pénétra dans la salle d’attente, s’attirant l’attention brutale de 4 paires d’yeux.
Il eut un sourire doux, mais vide, professionnel.
- Tout s’est très bien passé. Il se repose en salle de réveil, vous pourrez le voir d’ici une petite heure.
Un soupir général résonna alors qu’une vague de soulagement s’abattit sur elle tout d’un coup, la faisant tomber lourdement sur une chaise. Il allait bien. Il allait vivre. Il allait s’en sortir.
Son soulagement fut malheureusement de courte durée, car lorsque ses yeux se posèrent sur son frère, dans ce lit blanc d’hôpital, et que son regard croisé le sien, elle fondit en larmes. Ce regard hanté, brisé, brûlant d’une rage contre le monde, hurlait à lui seul que tout n’irait pas si bien finalement…

Il fallu du temps, à Sigurd comme à tout le reste de la famille pour s’adapter au changement, et surtout l’accepter. Ces quelques mois à voir son frère adoré, d’ordinaire si joyeux, s’enfoncer dans une déprime mêlant colère et vide émotionnel, et ne rien pouvoir y faire, furent un vrai supplice pour la jeune femme. C’était comme si, sans lui, elle ne pouvait pas vraiment profiter de sa vie non plus. Il lui en manquait un morceau.
Ce fut donc une vraie renaissance pour eux deux, lorsque Sigurd retrouva enfin une raison de vivre, et décida de se battre pour son futur.


Mai 2014 (19 ans) - Chesscross, la plage

- Danaë dépêche toi, on va encore être en retard !
- Roooh ça va Parker ! On a le temps ! Et puis, c’est pas la cérémonie le plus amusant, mais la fête après !
Un gloussement amusé lui répondit, avant qu’une réplique ironique ne suive :
- Oh je suis sûre qu’Hanaelle sera ravie de savoir ce que tu penses de son mariage !
La rousse sortit de sa chambre avec une grimace et un petit rire.
- Si tu lui dis quoique ce soit, je te transforme en tapis d’ours pour le salon !
L’air horrifié -et très bien joué- qui s’afficha sur le visage de Parker déclencha un éclat de rire chez Danaë. Elle finit ensuite d’enfiler ses escarpins, jeta un dernier coup d’oeil dans le miroir puis fit signe à sa meilleure amie de la précéder.
- Allez c’est parti, on y va ! Avant que ton père change d’avis et ne te ramène chez toi !
Elles prirent le chemin de la plage en riant.
Après avoir galéré un peu à se garer, les filles arrivèrent enfin sur le bord de plage, lâchant une exclamation d’admiration devant les installations. Hanaelle n’avait pas fait ça à moitié. C’était magnifique, tout en restant cosy et chaleureux. Un plancher en bois était installé sur le sable, permettant à toutes les femmes en talons de ne pas finir pieds nus.
Elles assistèrent à la touchante cérémonie, discutant de leurs propres envies - ou non- de mariage en attendant de pouvoir approcher enfin la mariée. Danaë serra la blonde dans ses bras.
- Mes félicitations ! Je suis si contente de te voir !
En effet, avec ses tournées à travers le monde, les deux amies se voyaient une à deux fois par an, le reste de leurs conversations se faisant par FaceTime et Messenger. Danaë fit les présentations entre ses deux amies, et fit enfin la connaissance du fameux Kurt, et il fut déjà temps de laisser leur place aux prochains invités. Hanaelle promettant qu’elles auraient le temps de se poser dans la soirée pour discuter, les filles prirent congés pour aller profiter du buffet. La nourriture était délicieuse, l’alcool non surveillé, et la musique entraînante. Elles passèrent une soirée parfaite, qui dura jusque tard dans la nuit, et dormirent dans la voiture, avec force de rires et gloussements.


Eté 2017 (22 ans) - Chesscross

- ALLEZ SIGUUUUUURD !
Debout dans les gradins, Danaë hurlait de tous ses poumons, encourageant son frère qui venait de prendre le départ de sa toute première compétition d’athlétisme -et perçant probablement les tympans de tous ses voisins-. Elle était si fière de lui qu’elle rayonnait littéralement, ne se taisant que pour reprendre son souffle, et crier ses encouragements à nouveau. Bien qu’un peu moins bruyants, mais tout aussi enthousiastes, ses parents, Parker et le père de Sigurd étaient là, l’encourageant eux aussi.
La course de sprint fut rapide, et la victoire remportée, sous les hourra de la foule. Complètement hystérique sous la joie de cet évènement, la rousse dégringola les gradins à toute vitesse pour se jeter dans les bras de Sigurd qui la rattrapa de justesse.
- T’as réussi ! T’as réussi !
Un petit rire joyeux lui répondit, et il la reposa par terre pour reprendre son souffle. Il en eut à peine le temps, puisqu’aussitôt Danaë reposée, ce fut le reste de ses supporters qui vinrent le serrer dans leurs bras et le féliciter.
Le sourire jusqu’aux oreilles, la rousse profitait de l’instant. Elle avait une autre très bonne nouvelle à annoncer à son frère, mais ça attendrait le repas.

Ils retrouvèrent donc Sigurd une fois douché et changé, et se dirigèrent tous au restaurant pour fêter la victoire. Alors qu’ils babillaient joyeusement entre l’entrée et le dessert, la patience de Danaë arriva à son terme et elle tapota le bras de son frère.
- J’ai une super nouvelle !
Il haussa un sourcil, mais avant qu’il ne puisse répondre -ou noter que leurs parents s’étaient tus autour d’eux- elle enchaîna :
- Ton père a accepté de te laisser habiter avec moi dès cette année !!
Elle lui lança un grand sourire et continua :
- Donc, à partir de demain, toi et moi, on commence la prospection d’une maison à louer !
- Oui, enfin elle a aussi promis de te surveiller et de s’assurer que tu révises correctement pour que tu aies le bac !
Le ton d’avertissement venait du père de Sigurd, et la rousse lui adressa un sourire flamboyant.

- Evidemment.

- Vous savez qu’il va vraiment falloir qu’on finisse de déballer les cartons hein ?
Ils étaient affalés sur le canapé, dans une des multiples pauses qu’ils s’étaient accordés depuis le début de l’emménagement. Si leurs parents  et ceux de Parker, les avaient aidés à transporter leurs affaires d’un appartement à l’autre, ils avaient estimés qu’ils étaient tous les trois bien assez grands pour faire le rangement tous seuls.
Cela faisaient donc plusieurs jours que cela duraient, et cela ressemblaient définitivement à une soirée pyjama qui n’en finissaient pas, qu’à un emménagement.
Danaë et son frère avaient finis par trouver une petite maison de deux chambres avec chacune leur salle de bain, une cuisine ouverte sur un salon lumineux et chaleureux, et surtout donnant à travers une baie vitrée sur une terrasse et un jardin. Située dans le quartier de la sourcière, elle n’était pas immense, mais c’était bien assez pour eux deux et Hiver. (Et Parker qui était quand même là souvent.) De plus, la réserve naturelle était tout près, un avantage indéniable pour la renarde en elle, et pour éviter le vis à vis de la ville. De plus, ils n’étaient pas loin de la mer, ni de l’école ou travaillerait Danaë à la rentrée. Le lycée était un peu plus loin, mais cela ne durerait qu’un an. L’université n’était située qu’à une quinzaine de minutes en transport en commun.
Un aboiement la sortit de ses pensées en la faisant sursauter. Manifestement Hiver avait décidé qu’ils s’étaient assez reposés et sonnait la reprise du travail. Accessoirement, elle attendait aussi à la porte fenêtre pour allez profiter du jardin pendant qu’eux bosseraient.


Juin 2018 (23 ans) - Chesscross

- Allez Siguuuuuurd !
Danaë se trémoussait en bord de piste, criant ses encouragements à son frère en pleine course de sprint. Il était face à des universitaires qui pratiquaient depuis un moment, et la bataille était rude. La course était belle, et son frère finit tout de même deuxième, tout près du premier. Le voir courir ainsi la rendait si fière !
Le sourire aux lèvres, elle prit son portable pour envoyer le résultat à ses parents qui n’avaient pas pu être là, quand il sonna dans ses mains. Ne reconnaissant pas le numéro, elle fronça les sourcils et décrocha.
- Mlle O’Brien ?
- Oui ?
- Bonjour, c’est l’hôpital de Chesscross. Vous faites parti des numéros d’urgence…
Le sang se retira de son visage, et Danaë dut se retenir à la rambarde, manquant de s’écrouler. Son cerveau débrancha après avoir entendu le prénom et le nom d’Hanaelle, et elle tomba au sol. Le choc céda vite place à la peur et au chagrin, et elle fondit en larmes.
C’est ainsi que la trouva Sigurd, a qui elle réussit à bégayer ce qu’il se passait. Sans même prendre le temps de se changer, il prit ses clés de voitures, et l’emmena jusqu’au véhicule avant de conduire à aussi vite que possible jusqu’à l’hôpital.
Elle savait qu’Hanaelle était à Chesscross cette semaine pour la compétition de surf… Elle savait aussi que ça n’allait pas très bien avec Kurt.. Elle l’avait vu une ou deux fois, et devait la voir ce soir après la dernière manche de sa compétition.
- Que s’est-il passé ?
La voix de son frère la sortit de sa torpeur, et elle leva vers lui des yeux gonflés et rougis d’avoir pleuré.
- Je.. Je ne sais pas. Je n’ai pas entendu. Un accident de surf pendant sa compétition..
Il lui semblait que la personne l’ayant appelé avait précisé l’étendue des blessures mais elle n’arrivait pas à s’en souvenir. A quel point était-ce grave ? « Critique ». Elle avait mentionné un état « critique ».
Les larmes recommencèrent à tomber, et roulaient toujours sur ses joues lorsqu’ils arrivèrent enfin à l’hôpital, seulement pour se retrouver à attendre, angoissés, dans la salle d’attente.
De revivre ça, quelques années après le passage de son frère dans cet hôpital, finit d’enlever le peu de contrôle que Danaë maintenait encore sur elle. C’est ainsi que Sigurd se retrouva à câliner un renard tremblant, dont les couinements résonnaient doucement dans la salle d’attente.


Septembre 2018 (23 ans) - Chesscross, hôpital

- Prête ?
Hanaelle hocha doucement la tête. Bien que Danaë savait qu’elle avait hâte de sortir de l’hôpital, elle n’avait pas l’air tout à fait rassurée.
- Tout va bien se passer, tu verras !
A nouveau, elle eut le droit à un hochement de tête en réponse. Malheureusement, depuis son accident, la blonde n’était plus la même qu’avant. Disparue, la jeune fille solaire, pleine de joie de vivre. Dorénavant elle était le plus souvent taciturne, et les sourires qu’il lui arrivait d’afficher étaient vides, de façade. Ce n’était pas si visibles que cela pour les autres, mais pour elle qui l’avait connue avant, c’était flagrant.
La route se passa dans un silence confortable, entre-coupé de quelques commentaires, surtout de sa part. Elles arrivèrent enfin devant le portail en bois que Danaë sortit pour ouvrir, puis se garèrent dans l’allée.
- Tadaaaa. Bienvenue chez toi.
Sigurd n’était pas là, mais Hiver les accueillit avec enthousiasme. Au point même qu’un vrai morceau de sourire étira les lèvres d’Hanaelle. Peut être que tout n’était pas perdu après tout.
Elle fit faire le tour du propriétaire à son amie, installant ses affaires dans l’une des deux chambres. Conscients qu’elle aurait besoin de temps et d’intimité après son accident, Sigurd avait bougé la majorité de ses affaires dans la chambre de Danaë. Habitués qu’ils étaient à cohabiter, cela ne les dérangeaient pas de partager la même chambre  et salle de bain, quelques mois.
Elles déballèrent et rangèrent les affaires d’Hanaelle dans la chambre, la salle de bain, et un peu dans le salon, afin qu’elle se sente chez elle le plus vite possible.
Entre temps, Sigurd était rentré de l’entrainement, et après une douche, il entreprit de préparer le repas pendant qu’elles finissaient d’installer leur nouvelle colocataire.

Ils ne mirent pas longtemps à trouver leurs marques et leur rythme tous les trois, et Hanaelle finit même par s’ouvrir un peu en leur présence. De vrais éclats de rire s’échappaient parfois de sa bouche, à leur grand plaisir, et à la plus grande surprise de la blonde.
Danaë s’employa aussi à aider Hanaelle à reprendre les bases, puis à réviser pendant sa formation, afin de lui donner le plus de chances possible de la réussir et de décrocher un poste. 
Il ne fallu que quelques mois, pour que l’assurance ne rembourse la blonde, qu’elle ne décroche un travail, et qu’elle ne parte s’installer dans sa propre maison près de la mer ; permettant ainsi à Danaë et son frère de récupérer leurs chambres respectives.