If I was solid like a jewel ft Hanaelle

Ce n’est pas souvent que Hanaelle est debout de bonne heure, un dimanche matin. Enfin plus souvent, parce qu’il y a quelques années encore, c’était assez courant, mais plus maintenant. Généralement parce que le dimanche matin, elle dormait profondément aux côtés d’un sale type quelconque mais la veille, elle n’avait pas eu le cœur à sortir. Elle aurait pu, vraiment, mais elle a finalement renoncé pour rester chez elle devant un bon repas et passer la soirée sur skype avec ses parents. Enfin, une partie de la soirée seulement, parce qu’avec le décalage horaire, elle n’a pu leur parler que pendant une heure, mais ça lui a fait du bien. Comme à chaque fois, elle s’est fait la réflexion qu’elle devrait les appeler plus souvent mais comme à chaque fois, elle sait qu’elle ne le fera probablement pas… C’est compliqué parfois, quand rien ne se passe comme on le souhaite. Après avoir raccroché, elle a hésité à sortir mais le souvenir de sa dernière rencontre l’a fait rester chez elle. Décidément, elle n’arrive vraiment pas à se sortir cet Ashton de la tête…

La blonde referme la porte-fenêtre qui mène à sa terrasse avec vue sur la plage avec un soupir. Elle n’aime pas ressasser comme ça, cogiter sur un truc qu’elle a fait ou une personne qu’elle a rencontré et qu’elle ne reverra probablement pas. Avant, quand ça arrivait, elle attrapait sa planche et elle fonçait dans l’océan pour se vider la tête mais maintenant… Elle le fait toujours de temps en temps, mais avec sa hanche, c’est compliqué - et douloureux - et là elle n’a pas envie de s’agacer davantage. Alors, à la place, elle attrape une veste, un morceau de brioche et ses clefs et elle quitte sa maison pour aller faire un tour sur la plage. Pieds nus, juste pour le plaisir de sentir le sable se faufiler entre ses orteils. A cette période de l’année, il fait suffisamment bon pour savourer la balade et le sable n’est pas trop chaud donc elle peut marcher pieds nus. Elle termine son petit-déjeuner de fortune en s’approchant de l’eau. Elle laisse les vagues venir lui lécher les pieds, le regard perdu dans l’océan et peu à peu, elle parvient à se vider la tête. Elle pense à ce qu’elle pourrait faire de sa journée. Ranger un peu, parce que son salon ressemble plus à grand chose, jouer à la DS, pour peut-être réussir son mariage dans Harvest Moon cette fois - à défaut de l’avoir réussi dans la vraie vie - refaire du pain aussi, parce qu’elle n’en a plus. Des petits trucs simples qui suffiront à lui occuper l’esprit et les mains.

L’un des avantages à venir tôt sur la plage, c’est qu’il n’y a pas grand monde et qu’on peut donc se perdre dans ses pensées sans être dérangée par les cris des gamins, les ballons qui volent dans tous les sens et les pimbêches qui pestent parce qu’il y a trois grammes de sable sur leur serviette. Quand elle est descendue sur la plage, Hanaelle était presque seule mais maintenant qu’elle va pour rentrer chez elle - après une balade d’une demi-heure - elle remarque qu’elle ne l’est plus, seule. Une jeune femme rousse semble déboussolée, sans qu’elle ne sache trop pourquoi. Hanaelle va pour la contourner et la laisser tranquille quand cette dernière s’avance vers elle pour lui demander de l’aide. En temps normal, elle l’aurait sûrement gentiment envoyé bouler, parce que chercher une chevalière sur une plage, c’est comme chercher une aiguille dans une motte de foin, mais quelque chose chez cette demoiselle l’en empêche. Peut-être la détresse dans son regard qui la touche plus qu’elle ne voudrait bien l’admettre. Du coup, elle se retrouve à lui adresser un sourire rassurant en hochant la tête.

- Je vais t’aider oui, elle ressemble à quoi ta chevalière ? demande-t-elle avec un léger accent dans la voix. T’as une idée de vers où tu l’as perdue ?

Avec un peu de chance, elle ne sera pas bien loin. En tout cas, heureusement qu’il n’y a pas grand monde sur la plage, sinon la tâche aurait été beaucoup plus compliquée !

Suivant des yeux la direction que lui montre la rousse, Hanaelle regarde la plage, à la recherche d’un indice pouvant lui indiquer où se trouve la bague perdue. Peine perdue, bien entendu, parce qu’elle est trop loin pour apercevoir quoique ce soit. L’avantage, c’est qu’à cette heure-là, l’endroit est quasiment désert, donc ça leur laisse une chance de remettre la main sur le bijou. Ah… Elle grimace un peu quand la demoiselle lui indique que le vent à un peu déplacé le sable. Bon, ce n’est rien de grave normalement, la chevalière n’a sûrement bougé que de quelques centimètres. A deux, elles devraient pouvoir la retrouver. Ce n’est pas comme si la rousse s’était rendue compte qu’elle avait perdu son bien plusieurs heures plus tard, là ça aurait été beaucoup plus compliqué. La jeune femme a l’air tellement défaite et au bord des larmes que la blonde ne peut rester de marbre face à son attitude. Pourtant, c’est loin d’être une bonne samaritaine, aider son prochain, c’est pas vraiment son truc, mais là, elle ne peut se résoudre à la laisser à sa détresse. Elle se retrouve même à la rassurer un peu gauchement.

- T’inquiète pas, elle a pas pu aller bien loin, on va la retrouver, lui assure-t-elle en posant une main sur son bras.

Plutôt que de rester bêtement sur place à attendre que quelque chose se passe, elle suit la rousse jusqu’à l’endroit qu’elle lui a indiqué un peu plus tôt. Bon, elle ne sait pas avec précision où était installée la jeune femme, mais au moins, elles ont une zone de recherche et c’est déjà mieux que rien. Surtout que la plage est vaste. Au moins, elle a terminé sa brioche, donc elle a les mains libres. Elle zippe la fermeture éclair de la poche de sa veste, pour être sûre de ne pas perdre ses clefs pendant qu’elle fouille la zone, ça serait quand même con de chercher une bague pour perdre son trousseau. Alors qu’elle va pour s’accroupir et fouiller le sable, la rousse reprend la parole, plus défaitiste cette fois et Hanaelle la regarde en haussant un sourcil.

- Si tu pars négative, c’est clair que ça va compliquer la tâche. Pense pas à ça pour l’instant et fouille. Si on essaie pas, on va pas le retrouver c’est sûr. Et si tu penses pas être capable de garder ton calme, je te déconseille effectivement d’utiliser ton don pour l’instant. Mais t’inquiète pas, on va remettre la main dessus, ok ?

Maintenant que ça c’est fait, elle se met à genoux dans le sable et commence à regarder autour d’elle. Elle plonge ses doigts dans le sable pour essayer de sentir quelque chose. Peut-être qu’avec un peu de chance, elle va la trouver, cette chevalière. Sauf que le premier truc qu’elle trouve, c’est un mégot - les gens n’ont vraiment aucun respect - suivi d’un morceau de coquillage cassé. Bon, ça ne sert de désespéré pour le moment, c’est normal que ça prenne du temps. Elle relève la tête vers la rousse quand elle lui parle de la provenance de la chevalière. Ah oui, ça a l’air d’être en effet un objet très important pour elle, elle comprend mieux pourquoi elle est dans cet état. Elle lui fait de la peine, à être perdue et défaite comme ça, sûrement que son frère n’est pas mort depuis très longtemps pour qu’elle soit dans cet état…

- C’est normal qu’elle soit importante pour toi, murmure Hanaelle pour la rassurer. Elle est comment ? Or ou argent ? Il y a quelque chose d’inscrit dessus ?

Elle espère que si la demoiselle se concentre sur les détails, elle se ressaisira et arrêtera de paniquer comme ça. Surtout que, l’air de rien, réconforter les autres, c’est loin d’être son point fort. Elle, quand elle a un problème, elle le noie dans l’alcool alors… Ou dans le sexe, crade et sans attache, elle doute que ce soit une bonne idée de conseiller ça à la rousse. Quand elle lui demande si elle n’a pas une idée pour aller plus vite, Hanaelle regarde autour d’elle et repère un set de plage abandonné plus loin. Hé, mais ça pourrait servir ça ! C’est une chance qu’un gamin l’est pas piqué en passant par là. Elle reporte son attention sur l’élémentaire - du moins elle suppose, vu le singe qu’elle trimballe sur son épaule - et lui lance un regard un peu sévère. Bon, va falloir qu’elle arrête d’être défaitiste la petite dame là, parce qu’elle n’a pas non plus une patience extensible.

- Darcy c’est le singe c’est ça ? C’est peut-être qu’un objet, mais tu y tiens, il a de la valeur à tes yeux alors c’est normal de le chercher, ok ? répond-elle avec fermeté mais sans animosité. Tu me fais pas perdre mon temps et même si c’était le cas, c’est mon problème, j’ai accepté de t’aider, je vais pas partir maintenant, par contre, faut arrêter d’être défaitiste, parce que c’est pas comme ça que les choses vont s’arranger tu sais ?

Elle lui adresse un sourire un peu maladroit, parce qu’elle a conscience qu’elle n’est pas douée pour ce genre de choses. Peut-être que ça fera réagir la jeune femme, elle le souhaite en tout cas.

- C’est quoi ton prénom ? demande-t-elle sur un ton plus doux. Tu vois le seau et le tamis là-bas ? Va les chercher, il y a sûrement une pelle avec, on va tamiser le sable pour essayer de retrouver ta bague plus vite. Si jamais ça marche pas, on avisera, l’office de tourisme ouvre dans une demi-heure, ils pourront peut-être nous aider là-bas si jamais on l’a pas trouvée.

Quand elle était à Canberra, l’office de tourisme avait tellement l’habitude des touristes qui perdaient des objets sur la plage qu’ils avaient embauché un méta dont le pouvoir était de retrouver ce qu’il voulait. Peut-être qu’à Chesscross, ils ont un truc dans le genre.

Est-ce que le singe est vexé par sa question ? Hanaelle n’est pas sûre, mais elle observe malgré tout le petit mammifère rejoindre le sable. Bah au pire, même si elle l’a vexé, tant pis, elle ne va pas commencer à s’inquiéter des états d’âme d’un animal ! Déjà qu’elle a du mal à gérer les siens. Elle reporte son attention sur la rousse quand elle prend la parole, d’une voix forte et pleine de conviction, pour dire qu’elles vont la retrouver, cette chevalière. La blonde lui adresse un sourire, parce qu’elle préfère la voir comme ça, motivée et non défaitiste. Apparemment, elle a eu raison de se montrer ferme avec elle et c’est tant mieux. Elle la laisse s’éloigner pour aller chercher le seau qu’elle a repéré un peu plus loin tandis qu’elle continue de fouiller le simple. La demoiselle ne tarde pas à revenir et se met à tamiser le sable, bien, avec un peu de chance, ça sera plus rapide de cette manière ! De son côté, Hanaelle continue de creuser en surface, à la recherche d’un éclat brillant tout en écoutant la réponse de la rousse.

- Je m’appelle Hanaelle, répond-elle simplement, avec un sourire. Le Mirage, c’est le restaurant qui se trouve pas très loin, non ? J’y ai mangé une fois, il y a quelques années, c’était délicieux ! Tu travailles là-bas ?

Le Mirage… C’était son sponsor qui l’avait invitée là-bas pour signer un gros contrat, une manière de fêter ça mais aussi sa victoire pour sa dernière compétition. Mais tout ça, c’était dans une autre vie, avec une autre personne… Elle se hâte de chasser bien vite ces souvenirs de son esprit, parce qu’elle n’a pas envie de voir son humeur s’assombrir. Elle préfère se concentrer sur le présent, même si c’est pas vraiment son fort, et pourquoi pas sur l’avenir mais… ça reste quelque chose qui l’effraie. Enfin, dans l’immédiat, l’important c’est d’aider Vegas et de retrouver la chevalière de son frère. Elle se remet donc à sa recherche mais relève la tête en entendant la rousse émettre un rire discret, mais charmant. Elle suit son regard pour tomber sur le singe en train de fouiller lui aussi le sable et un sourire attendri se dessine sur ses lèvres.

- On dirait bien que ça l’a motivé aussi, commente-t-elle sur un ton amusée.

Elle s’éloigne un peu, juste d’un pas, pour fouiller une nouvelle zone et finit carrément par s’asseoir dans le sable. L’air de rien, rester accroupie, ça fait pas du bien à sa hanche et la position commençait sérieusement à devenir inconfortable. Bon, elle l’a sent bien cette zone, et apparemment, elle fait bien, parce qu’elle repère un petit éclat argenté, comme la fameuse chevalière de Tristan ! Sans attendre, elle déblaie le sable autour de l’objet argenté non identifié mais finit vite déçue en remarquant qu’il s’agit juste d’une pièce de monnaie. Elle pousse un petit soupir en récupérant l’objet dans sa paume. Autant voir le bon côté des choses, ça fait toujours ça de pris et comme on dit, il n’y a pas de petites économies hein… Au pire, ça lui paiera son prochain café au boulot. Elle glisse la pièce dans sa poche avant d’enfouir de nouveau ses mains dans le sable. C’est agréable, à cette période de l’année, vu qu’il n’est pas encore bouillant, même un peu frais quand on s’aventure plus loin que la surface. Un petit rire lui échappe quand Vegas relance la conversation en lui parlant de son accent. Ah oui, celui-là, en général, il est impossible à louper !

- Non, en effet, je suis française, lui dit-elle avec un petit rire. Enfin, ça fait plusieurs années que je vis à Chesscross maintenant, mais j’ai jamais réussi à me débarrasser de mon accent.

Il faut dire aussi qu’elle n’a jamais spécialement essayé, donc pas étonnant qu’elle l’ait gardé. Sans compter qu’elle l’aime bien, elle, son accent, mais c’est purement subjectif ça comme remarque et pas vraiment constructif non plus. Quant à l’autre question… C’est plus compliqué d’y répondre sans entrer dans les détails. Qu’est-ce qu’il vaut mieux répondre ? Boulot ou mariage ? Sur lequel de ces deux sujets elle a le moins envie de s’étendre ? Finalement, la réponse est plutôt évidente, ce qui ne l’empêche pas d’être surprise.

- Je me suis mariée, c’est pour ça que je suis venue à Chesscross, explique-t-elle calmement. Bon, maintenant j’ai divorcé mais j’aime beaucoup l’endroit alors je suis restée. Et toi, tu as toujours vécu ici ?

C’est un résumé assez concis et incomplet mais au final, ça résume assez bien sa vie ces dernières années. Ok, elle n’est pas restée uniquement parce qu’elle aimait l’endroit, le fait qu’elle ait honte de rentrer en France y joue aussi, mais ça, c’est quelque chose qu’elle n’a jamais avoué à personne et elle ne compte pas commencer aujourd’hui ! Elle se décale de nouveau, pour changer d’endroit à fouiller et en bougeant, son regard est attiré par un éclat un peu plus loin. Se pourrait-il que…? Avec un peu de chance, ça sera autre chose qu’une pièce de monnaie cette fois ! Sans attendre, elle avance à quatre pattes dans le sable pour aller récupérer l’objet qu’elle a repéré.