Lussi Wallnut - wanna be nut with me ?

Lussi est une personne lumineuse, toujours contente, comme si absolument rien ne pouvait assombrir son horizon. Pas qu’elle ignore le côté sombre de la vie, plutôt qu’elle préfère se concentrer sur son côté lumineux. D’autant plus qu’elle pense qu’il faut lui donner de la force et l’entretenir. Elle travaille donc très dur pour que la vie des gens qui l’entourent soient toujours pleine d’une certaine légèreté. Comme apparemment, leur coller des lunettes en forme de cœur sur le nez pour qu’ils voient la vie en rose ne suffit pas (étrange), elle est toujours attentive à leurs besoins, s’assure qu’ils ont tout ce qu’il leur faut, et est toujours prête à leur raconter une histoire ou une blague pour illuminer leur journée.

Elle croit dur comme fer au vivre ensemble et à la solidarité. Toujours prête à aider, Lussi participe à toutes les initiatives collectives possibles : troc, mise en place de jardins communautaires, ateliers de réparation d’électroménager, fêtes de quartier, atelier d’éveil musical, etc etc. C’est le genre de voisine prête à organiser un concert de soutien pour une famille qui se retrouverait soudainement en grosse difficulté financière, ou tout simplement à venir réparer votre toit après la dernière tempête si vous n’y arrivez pas tout seul, ce qui fait d’elle une figure de proue de sa meute.

Évidemment, ça peut avoir tendance à la rendre légèrement insupportable pour certains… Les gens trop heureux, ça attire toujours les regards noirs qui considèrent que c’est « pour faire genre ». En vérité, Lussi est trop entière pour réfléchir de cette façon. Elle agit comme elle fait parce qu’elle croit dur comme fer que c’est le mieux. Ce n’est pas vraiment quelque chose sur lequel elle est prête à négocier. Si les gens ne l’aiment pas, ils n’ont qu’à passer leur chemin, le monde est grand ! Ça ne l’empêchera pas de leur apporter son aide ‘ils en ont besoin à un moment et qu’elle peut faire quelque chose. Encore une fois, elle ne fait pas ça pour qu’on l’aime, mais bien parce qu’elle croit en un monde meilleur avec une vraie solidarité.

Ça n’empêche pas des jours sombres, des jours où c’est plus difficile pour elle d’y croire. Ou elle se laisse rattraper par la difficulté de la vie et n’arrive plus à la relativiser. Passant d’un extrême à l’autre, d’un coup tout est noir et elle a du mal à sortir de chez elle et faire même le minimum. Finalement, croire que le monde peut être meilleur, c’est aussi une bonne défense pour ne pas se laisser attrister trop fortement. Souvent, c’est dans ces moments qu’elle change brusquement de style du tout. Quand on est dans l’impasse : on reboot sa vie, et tout va mieux. Ça lui donne un petit côté instable, mais elle s’en moque un peu. Toute façon, au pire, elle peut toujours dire que c’est le métier qui veut ça, que c’est pour un rôle, et voilà. Pas besoin que les autres sachent à quel point elle peut être abattue et déprimée parfois !

Lussi est une thérianthrope écureuil… et elle adore ça. Il ne se passe pas un jour sans qu’elle ne se transforme, ne serait-ce que quelques minutes, pour le plaisir de cavaler partout, grimper aux arbres, sauter de branche en branche. C’est grisant ! Autant elle n’est pas fan de sport dans un corps d’humain, autant en tant qu’écureuil, c’est un réel plaisir dont elle pourrait difficilement se passer. Elle n’a eu aucun mal à apprendre à maîtriser son don quand elle était enfant… au point qu’il fallait parfois que ses parents insistent pour qu’elle reprenne forme humaine. D’autant que Lussi est légèrement allergique aux noix... Ses parents ont donc eu quelques frayeurs quand elle était enfant puisqu’elle n’arrivait pas complètement à se contrôler. L’écureuil l’emportant, il lui est arrivé de croquer à pleines dents dans des noix encore et encore jusqu’à s’en rendre malade.

Une fois adulte, elle s’est rendu compte que certains thérianthropes rongeurs avaient tendance à mal vivre de n’être « qu’une petite chose fragile ». Voir ces gens regarder avec envie les grandes espèces en se dévalorisant au passage l’a motivé à passer la formation d’instructrice : c’est important d’apprendre aux enfants qu’être une petite souris ne les rends pas moins importants que les loups ou les grands félins ! Son don fait partie des choses qui lui ont apporté le plus de joie dans sa vie, alors elle veut pouvoir partager ce bonheur avec d’autres. Lussi souhaite que tous les thérianthropes rongeurs puissent apprécier leur don sans se sentir insignifiant !

Il n’y a pas grand-chose à raconter sur la famille Wallnut. De génération en génération, les Wallnut ont toujours vécu leur vie tranquillement. À quelques rares exceptions, la plupart des membres de la famille sont des thérians de la famille des rongeurs. La famille a toujours été bien intégrée dans la communauté. Jusqu’au divorce de ses parents, quand Lussi avait 10 ans, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Sa mère, Mariana, enseignante, veillait à ce que personne ne manque de rien. Elle avait épousé Aristide, son amour de jeunesse, sans aucune hésitation. C’était l’homme de sa vie, elle le savait et rien ne pouvait la faire changer d’avis. Si on lui demandait, elle vivait un véritable conte de fée. Et pendant longtemps, ce fût le cas. Ils eurent un premier enfant, Léon, à peine un an après leur mariage. Deux ans après, Lussi vint au monde. Mariana était folle de ses enfants dont la présence suffisait à la rendre heureuse. Les deux enfants s’adoraient et jouaient constamment ensemble. Une fois leur don déclarer, il n’était pas rare de voir deux petits écureuils roux explorer les alentours de la maison. Même si dans la communauté des rongeurs, tout le monde veillait un peu sur les enfants de tout le monde, Aristide avait toujours du mal à les laisser vagabonder de la sorte. Il faut dire que de la famille, il était le seul à ne pas être thérian. C’était un élémentaire de terre, et même s’il avait été accueilli à bras ouvert par toute la meute, il se sentait toujours un peu isolé, comme si quelque chose lui échappait encore et toujours. D’autant que si Mariana pouvait partager cette partie de sa vie avec ses enfants, ce n’était pas possible pour lui, ou de façon très détourné. L’admiration dans les yeux de ses enfants à chaque fois qu’il faisait pousser les branches des arbres ne semblaient pas suffire à lui prouver que pour eux, il avait complètement sa place.

En plus de ça, Aristide nourrissait des rêves de grandeur et de célébrité qui tardaient à se réaliser. Il était pianiste et chanteur, et il avait toujours rêvé de jouer dans des salles immenses devant un public qui boirait ses paroles. Mais le succès n’était jamais venu. Enfin… pas dans les proportions qu’il voulait. À Chesscross et dans les environs, tout le monde connaissait la voix et les chansons d’Aristide. Mais pour quelqu’un qui rêvait de faire tous les plateaux télé, ça ne suffisait jamais vraiment. Aristide était un éternel insatisfait qui se racontait toujours que l’herbe était plus verte ailleurs. Avec les années, son ressentiment et sa déception grandirent, l’éloignant toujours plus de sa famille et de ce qu’il avait pourtant déjà. Mariana avait beau faire pour lui montrer à quel point elle l’aimait, à quel point il était important pour Léon et Lussi, à quel point ses chansons avaient une place à part entière dans la culture de la ville, Aristide n’entendait pas. Ça ne suffisait pas, il lui fallait plus.

Si bien qu’un jour, il fit sa valise, et décida de partir pour New York où, il en était sûr, il trouverait le succès qu’il méritait, laissant les papiers du divorce sur la table de la cuisine. Pour lui, Mariana et la communauté des thérians l’avaient ralenti. Léon, 12 ans, fût en colère contre lui. Lussi, 10 ans, n’arrivait pas à comprendre, ça n’avait pas de sens. Mariana de son côté eût le cœur brisé. Sa santé mentale vacilla, et elle tomba en dépression. Qu’avait-elle raté ? Qu’aurait-elle dû faire de plus ? Elle l’avait soutenu, avait parlé de lui et de sa musique partout, elle avait trouvé des moyens pour être sûr qu’il soit intégré dans les jeux des enfants, toute la communauté lui avait fait une place et l’aimait… non, s’il était parti, c’était forcément sa faute. Tout ça lui tournait tellement dans la tête qu’elle avait dû arrêter de travailler. La communauté des rongeurs s’était alors assurée que la famille ne manque de rien malgré tout et les avait soutenus du mieux possible.

C’est à cette période que Lussi avait commencé à inventer des histoires. Mariana pouvait parfois être complètement apathique, réagissant à peine à leur présence. Lussi lui inventait alors des mondes entiers, elle lui improvisait des spectacles, se déguisant avec ce qui lui tombait sous la main pour jouer tous les personnages les uns après les autres. Elle y mettait tout son cœur et toute son énergie dans l’espoir d’arracher un sourire à sa mère, une étincelle de vie, n’importe quoi. Sa mère qui jusque là était pourtant si lumineuse s’était éteinte, et ça terrifiait la jeune fille…Léon quant à lui s’assurait que la maison était bien tenue, il cuisinait et faisait le ménage, laissant Lussi s’occuper de leur mère. Les mois passèrent. Presque un an après le départ de leur père, Lussi jouait l’une de ses histoires vivantes dans le salon, devant sa mère et son frère sur le canapé. Elle s’était lancée dans une scène de duel entre un pirate et un soldat de la reine, ce qui l’obligeait à changer de costume à toute allure pour jouer l’un et l’autre à tour de rôle. Elle s’essoufflait un peu plus à chaque passage, et ce qui devait arriver arriva : Lussi finit par s’emmêler dans le plaid qui lui servait de cape et tomber. Ce qui ne l’arrêta pas pour autant ! Show must go on : elle changea juste la suite de l’histoire. Devant un soldat de la reine, supposément de rang supérieur, qui se retrouvait d’un coup à ramper et faire d’absurdes galipettes au sol, son manche de balais-épée en l’air pour atteindre un adverse invisible, Mariana éclata de rire. Un rire cristallin. Un rire qu’on avait plus entendu depuis presque un an. Son rire d’avant. Léon et Lussi lui adressèrent un regard surpris, avant de se jeter dans ses bras pour un énorme câlin.

À partir de là, Mariana commença à revenir dans le monde. Elle avait toujours des périodes d’absence, mais beaucoup plus courtes. Elle avait un peu honte que les rôles se soient inversés de la sorte et que ses enfants aient dû s’occuper d’elle de la sorte… d’un autre côté, elle savait que dans ses moments difficiles, ils pouvaient compter l’un sur l’autre. Dans les mois qui suivirent, la petite famille retrouva un équilibre, une façon de fonctionner ensemble. Deux ans après le départ d’Aristide, Mariana était enfin suffisamment solide pour reprendre le travail. Lussi n’arrêta pas pour autant de jouer ses histoires-spectacles, qui devinrent de plus en plus grandes, et de moins en moins brouillones, même si elles gardaient leur petit côté bricolé qui faisaient leur charme.

Bientôt, ses spectacles quittèrent l’espace du salon devenu trop étriqué pour contenir son imagination débordante. Et dès ses 15 ans, Lussi commença à jouer sur les places publiques, faisant tourner le chapeau, histoire de ramener un peu d’argent de poche. C’est ainsi qu’au fil des années, elle rencontra d’autres artistes avec qui elle pût créer sa première troupe amateur. Elle eût même la chance d’être approchée par le directeur de LA troupe de théâtre de rue locale. Sa mère insista pour qu’elle finisse d’abord le lycée… Mariana était terrifiée que sa fille suive les traces de son père et soit rongée par l’amertume… Elle aurait préféré que comme Léon, elle passe un vrai diplôme qui lui assurerait un avenir stable et sûr. Mais il fallait bien admettre que l’école n’avait jamais été son truc. Elle avait des notes tout juste passables tant elle tenait à peine en place… Mariana avait conscience qu’être embauchée par une troupe prestigieuse si jeune était une chance pour sa fille qui y apprendrait beaucoup et serait assurée de gagner un minimum sa vie. La sonnerie du lycée avait à peine sonné la dernière heure de cours de la vie de Lussi, qu’elle fonça signer son premier contrat.

Lussi n’a jamais regretté son choix. Avec La rue est à nous, sa technique s’était affinée et elle avait fait des progrès considérables. Son frère avait été surpris de découvrir une Lussi aussi concentrée, avide d’apprendre, et capable de fournir des efforts énormes maintenant qu’elle était motivée pour ça. Contrairement à son père, Lussi n’avait aucun soucis à ne jouer que pour des audiences « limitées ». Jouer lui procurait tant de plaisir, qu’elle ne voyait pas ce que ça changeait. Et puis, l’essentiel était de rendre les gens heureux, de leur raconter une histoire qui les transporte, qui valait le coup. Comme celle qui avait sorti sa mère de sa longue léthargie. C’était ça qui comptait, ça qu’elle voulait transmettre quand elle était sur « scène ». Pas la célébrité.

Par contre, il fallait bien admettre qu’on ne pouvait pas vivre que d’amour et d’eau fraîche, et qu’il n’était pas facile de joindre les deux bouts, même quand on était dans une troupe de théâtre de rue reconnue… Lussi finit par se décider : elle allait devenir instructrice. En vrai, elle n’y avait pas réfléchi longtemps. L’idée lui était venu alors qu’elle avait croisé le fils des voisins qui pleurait. Il maîtrisait mal son don, et en plus, les autres se moquaient du petit mulot qu’il était. Lussi avait été en colère contre ces bullies… elle avait gardé ça pour elle, et avait consolé l’enfant du mieux qu’elle pouvait, comme toujours, en lui racontant une histoire extraordinaire. Le lendemain, elle s’était inscrite pour la formation. Cette fois, c’est sa mère qui fût surprise : Lussi qui avait toujours éviter l’école projetait maintenant d’y travailler… Là encore, elle n’eût jamais l’occasion de regretter son choix. Il s’avéra même qu’elle était une instructrice de talent. Passionnée, drôle, et fière de ce qu’elle était, elle mettait un point d’honneur à ce que chaque enfant se sente bien dans sa peau, qu’il ne vive pas ces cours comme une punition, mais bien une chance de pouvoir être pleinement soi.

Maintenant que sa vie avait enfin sa propre stabilité, elle avait choisi de reprendre contact avec son père. Il leur avait écrit à l’occasion. Mais ces quelques missives faisaient toujours souffrir sa mère qui revivait son échec, ce qui enrageait son frère. Mais à 26 ans, elle estimait qu’elle était assez grande pour faire ses choix. C’était son père, et elle avait besoin de comprendre. Ses sentiments envers lui étaient ambivalents. Mais voilà, un père on en a qu’un. Et à une époque, c’était son héros. Elle ne pouvait pas se résoudre à le sortir de sa vie pour le principe. Elle devait essayer. Peut-être que ce ne serait qu’une vague relation épistolaire, peut-être qu’elle concluerait que c’était bien un connard qui n’en valait pas la peine, peut-être qu’elle comprendrait. Dans tous les cas, elle aurait enfin ses réponses à elle. Dans le même temps, elle avait retrouvé toutes les histoires qu’elle avait créées pour sa mère. Elle les avait rassemblées dans une livre de conte pour enfant qu’elle avait elle-même illustré. Mais pour le moment, le livre était rangé dans une boîte fermée d’un cadenas sous le lit. Pour une fois, Lussi manquait de confiance en elle pour oser montrer son travail à quelqu’un d’autre… pourtant, c’était peut-être les histoires les plus importantes qu’elle ait jamais créées de sa vie : celle qui avait ramené sa mère du grand silence.