Leon Wallnut - Ce petit chemin qui sent la noisette !

Ce qui est sûr, c’est qu’il est difficile de savoir si le karma savait en faisant de Leon un therian mara que son caractère collerait à celui de ce rongeur ou si c’est parce qu’il a été un therian mara qu’il a eu ce caractère, mais le fait est que son animal intérieur colle parfaitement à son caractère même sous forme humaine ! Comme les maras, Leon est d’un naturel inquiet, toujours sur le qui-vive à l’affût de la menace. Il faut dire qu’il déteste le conflit. Il n’y a rien qui le fasse fuir plus vite que le conflit. La fuite, c’est un peu sa solution de survie. Et il a un certain talent pour ça. Pour ghoster les gens aussi, c’est la version en ligne de la fuite. En fait, il a de sérieux soucis pour gérer les interactions sociales dès qu’elles deviennent un peu trop poussées. Il sait être agréable, souriant et sympathique, mais dès qu’on commence à vouloir s’attacher à lui, ou qu’il commence à s’attacher à quelqu’un, tout clignote rouge dans sa tête et c’est la panique. Sans doute qu’il n’a jamais appris à gérer sa peur de l’abandon depuis le départ de son père, sans doute que ça rejaillit dans toutes ses relations. Sauf qu’il ne sait pas comment arranger tout ça. Il ne sait pas comment réapprendre à faire confiance. C’est plus confortable de mettre tout le monde un peu à distance. Pas trop pour ne pas paraître antipathique. Non, lui, c’est le mec sympathique, discret, un peu trop timide, mais qu’on aime bien. Disons qu’il donne pas de raison de le détester. Mais pas spécialement de raison de l’apprécier non plus.

Sauf si on est gourmand. Tous les gourmands l’apprécient. Parce qu’avec la pâtisserie, c’est un génie des associations, il a une assurance folle quand il s’agit de faire des paris culinaires osés. Vraiment, sa cuisine représente sans doute tout ce qu’il aimerait être : créative, assurée, piquante parfois, surprenante, racontant milles histoires. On a souvent du mal à croire que c’est lui derrière toutes ces créations folles et si aventureuses. C’est d’ailleurs assez amusant de le voir aux fourneaux, il n’hésite pas dans ses gestes, il est déterminé, il a cette concentration si charismatique. Et puis quand il retire le tablier… Il redevient le gentil garçon un peu trop craintif… Le contraste est amusant. Quoiqu’un peu triste. Il n’y a guère que si vous le faites parler cuisine qu’il pourra retrouver des bribes de cet éclat, sa passion faisant tomber ses barrières de protection, le faisant s’ouvrir un peu. Une minuscule porte d’entrée vers ce monde qu’il s’est créé, derrière des murailles de timidité et d’angoisses.

Oh j’oubliais, il y a quand même quelques anomalies dans ce système bien rodé, et si vous ne voulez pas découvrir la colère de ce bien trop gentil Leon, il y a trois choses qu’il ne faut pas faire : parler de son père -sujet numéro 1 pour déclencher un truc auquel vous êtes pas prêt-, critiquer ou blesser sa soeur de quelque façon que ce soit -vraiment, la mort sera plus douce que Leon si vous faites les cons avec ça-, critiquer ou blesser sa mère (du coup, si son père se repointe, il le dégomme sans sommation). Peut-être que d’autres choses pourraient réveiller cette sourde colère et cette violence qu’il a toujours enfoui, mais on a pas encore trouvé quoi ! On vous fera signe si on trouve…

Est-ce que vous savez ce qu’est un mara de patagonie ? Non ? Et bien, c’est le cas d’à peu près tout le monde, rassurez-vous. Même ses parents n’ont pas su en quoi il s’était transformé la première fois. C’était si atypique qu’ils ont eu du mal à identifier qu’est-ce qu’il était comme thérianthrope. Après quelques recherches, on identifia qu’il était un mara de patagonie. Un rongeur présent dans le sud de l’Amérique latine, un gros rongeur, rapide et assez improbable pour des yeux d’américain. C’est aux alentours de 7 ou 8 ans que Leon s’est rendu compte que même pour les thérians rongeurs, il était un peu une anomalie de part son espèce atypique. Il n’a dès lors plus été très à l’aise avec qui il était. Avec cet animal qu’il était. Il regrette profondément de ne pas être quelque chose de plus “normal” ou de plus “glorieux”. Il a pas mal de complexes vis à vis de son don. Il n’y a guère qu’avec sa soeur qu’il apprécie de se transformer pour parcourir la nature. Mais seulement avec elle, parce qu’elle ne juge pas.

Sans doute que sa honte ne l’a jamais aidé à bien maîtriser son don. Il le camoufle plus qu’il ne le maîtrise. Du coup, ses transformations sont parfois imprévues, incomplètes et envahissantes. Il n’est pas rare que confronté à des situations émotionnellement stressantes, il se transforme et détale comme le mara qu’il est. Et sachez qu’un mara peut faire des pointes à 80km/h, dur de le rattraper du coup ! Sans doute que son anxiété n’est pas sans lien avec son animal intérieur, animal craintif et inquiet par nature…. Mais ça lui bouffe un peu le quotidien…

Quand on est un thérian rongeur, est-ce qu’on peut aspirer à autre chose qu’une vie tranquille ? C’est sans doute un signe quand on se transforme en un petit animal pas très robuste et chassé par tous les autres, non ? Pourtant, quand il était petit, Leon avait des rêves plein la tête. Comme tous les enfants sans doute. Il était souvent la tête dans la Lune. Il rêvait d’aller dans les étoiles. D’être cosmonaute. D’explorer l’univers ! Ou alors d’être un grand médecin pour soigner le monde entier ! Ou alors, il aurait une grande ferme où il recueillerait tous les animaux blessés de la terre et plus jamais ils seraient blessés ! Il avait du mal à se fixer sur une idée. Mais il rêvait en grand. Son père lui avait dit que c’était important d’avoir de grands rêves. Et d’un jour, réussir à les réaliser.

Jusqu’à ses douze ans, il était un garçon souriant, rieur, intelligent, avec cette lueur de malice dans le regard. Il était en avance pour son âge. C’était ce que disait ses professeurs. Il avait même sauté une classe. Il jouait aussi de la guitare et du piano, il chantait bien. Il cuisinait aussi beaucoup avec sa mère. Il n’avait pas beaucoup d’amis, mais il s’en fichait parce qu’il avait la meilleure des familles. C’était son havre de paix et de joie. Ses parents, sa soeur et lui. Unis, ensemble, pour toujours.

Enfin, ça, c’était ce qu’il croyait.

Les papiers sur la table, il avait été le premier à les voir en se levant tôt. Il avait cherché son père avec précipitation. Sa mère avait découvert aussi la situation. Il avait crié. Il avait même cassé de la vaisselle alors que son don se manifestait de façon incontrôlable ses oreilles mutant, son visage. Jusqu’à ce que tout son corps change et qu’il fuit la maison. Il était resté de longues heures à errer. A courir. A siffler sa détresse. Aristide les avait abandonné. Lucy. Maman. Et lui. Ils comptaient si peu à ses yeux ? Il était rentré épuisé, mais pas apaisé. La colère sourde au fond du ventre. Toujours là.

Puis l’état de sa mère s’était dégradé vite. Très vite. Il avait alerté le médecin. Il avait fait tout ce qu’il avait pu du haut de ses douze ans. Tenir la maison. Veiller sur sa sœur. Cuisiner pour que tout le monde tienne le coup. Ses résultats scolaires en avaient un peu pâti, il était souvent fatigué. Il n’arrivait pas à parler de tout ce qui lui pesait. Il n’arrivait pas à évacuer les émotions. Et parfois, tout lui revenait en pleine poire et la transformation lui tombait dessus. C’était une période difficile pour lui. Même s’il faisait tout pour que ça ne se voit pas. Pour que Lucy le voie pas surtout.

Et puis après deux années compliquées et épuisantes pour lui, Mariana revint parmi eux. Leon avait perdu un père, il était heureux qu’elle ne soit finalement pas partie avec lui. Il avait été si heureux de la voir reprendre goût à la vie. Il avait continué de beaucoup l’aider à la maison. Sans doute parce que ça l’apaisait aussi de faire tout ça. La cuisine surtout. Il adorait faire des pâtisseries. Cela donnait des sourires aux autres. ça lui plaisait. Il aimait rendre les autres heureux à défaut de réussir à l’être vraiment lui-même.

Il avait quatorze ans et pourtant, il avait l’impression d’avoir vécu mille ans. C’était étrange. Il était toujours un peu en décalage avec les gens de son âge. Il n’arrivait pas trop à s’intégrer. Il avait bien quelques camarades de classe sympas mais pas de vrais amis. C’était compliqué pour lui. Il se sentait un peu à distance. Il vivait à part. Dans sa bulle. Dans son monde. Quand on est seul, au moins, personne ne peut nous abandonner. C’était comme son mécanisme de défense.

Les années passèrent. Il fut accepté en université grâce à ses résultats exceptionnels. Sauf qu’après une brillante année d’étude, il n’éprouvait aucun plaisir à étudier la chimie. Il ne se sentait pas à sa place. Il avait fait exprès de rater des inscriptions en deuxième année. Il n’avait pas osé en parler à sa mère. Il avait cherché un apprentissage dans une pâtisserie. Et au lieu d’aller à ses prétendus cours, il allait apprendre à pâtisser mieux. La mascarade dura quand même six mois. Jusqu’à ce qu’il gagne un concours de pâtisserie. Et que sa photo atterrisse dans les pattes de sa sœur et de sa mère. Il avait paniqué. La transformation s’était faite, il s’était terré dans un placard, terrorisé par ses propres mensonges. Tétanisé par la peur, et s'il les décevait toutes les deux ? S’il était pas à la hauteur de leurs espérances ? Elles l’avaient rassuré. Elles ne comprenaient pas pourquoi il avait eu si peur. Elles étaient fières de lui. Et là, c’était lui qui ne comprenait plus trop… Mais au moins, c’en était fini de leur mentir. C’était un soulagement pour lui. Il n’aimait pas mentir.

Soulagé de ce poids, il avait pu continuer à apprendre la pâtisserie plus serein. Il resta deux ans avec son formateur mais celui-ci voulait partir à la retraite. Il lui proposa de reprendre le commerce, il avait selon lui le talent pour et la passion. Mais la peur le rongeait. Il avait trop peur. Peur de tout gâcher, peur de faire couler un si bel endroit. Il préféra laisser l’autre employé reprendre le flambeau. Seulement avec le départ du plus vieil artisan, les rancunes cachées pointèrent le bout de leur nez et finalement, plutôt que de se battre contre son nouveau patron, Leon préféra partir, s’effacer comme à son habitude.

Il resta plusieurs mois sans travail, chez sa mère, à cuisiner tout le temps. Seulement, cela se voyait qu’il n’était pas épanoui sans son travail. Alors Mariana le poussa à chercher un nouveau poste. L’encourageant. Après tout, il avait gagné des concours prestigieux ! Il pouvait avoir le poste qu’il voulait presque où il voulait avec un CV pareil ! Sauf que Leon, lui, il doutait. Il n’y avait que derrière les fourneaux qu’il ne doutait plus et qu’il faisait les choses avec assurance. Il avait timidement postulé dans un restaurant dont il aimait la carte et l’éthique. Il n’y a que lui qui fut surpris d’avoir un entretien. La même pour le fait qu’il ait le poste de pâtissier.

Il retrouva le sourire. Un équilibre. Une source de joie. Son travail prenait une part vraiment importante dans sa vie. Trop importante sans doute. Il avait pourtant essayé de rencontrer des gens. De se faire des amis. Mais non, il n’était toujours pas doué pour ça. Lussi savait y faire avec les gens, pas lui. Il était content quand il passait du temps avec elle et ses ami.e.s. ça lui suffisait d’être le pourvoyeur de gâteaux.

Il avait aussi vainement suivi les conseils de Lussi pour les rencontres amoureuses, mais même avec son aide, et son assistance, il n’arrivait pas à être à l’aise même sur les sites de rencontres et par écrit. C’était assez pathétique vu son âge, non ? Il avait eu deux ou trois rendez-vous par-ci par-là. Mais il avait toujours fini par préférer couper court. Parce qu’il ne voulait pas que quelqu’un s’attache à lui, alors qu’il n’en valait pas la peine… C’était mieux comme ça. Personne l’abandonnait quand il était tout seul. Et puis, il avait sa mère et sa sœur, il donnait le sourire avec ses créations, ça lui suffisait. Du moins, il arrivait à s’en convaincre...