It's a trap ! (Joshua & Leon)

16 juin, fin de soirée.

Décidément, c’était pas sa journée. Déjà, parce qu’il n’était pas satisfait de lui. Il avait accepté de faire un gâteau pour une collègue serveuse au restaurant, une grande pièce pour un enterrement de vie de jeune fille, mais ça ne rendait pas aussi bien qu’il l’aurait voulu. Ses colorants lui semblaient trop terne comparativement à ce qu’il avait imaginé, mais impossible de tout refaire. Et ça l’agaçait de donner une pièce qu’il ne trouvait pas parfaite. Sa collègue avait l’air réjouie, mais ça ne lui suffisait pas. Et puis, il devrait pocher de la crème juste avant que le dit gâteau soit consommé. Heureusement que la fête était prévue très tard, et qu’il pourrait faire ça après son service au restaurant. Il était donc arrivé à la dite fête avec sa collègue, et le gâteau. On lui avait sauté au cou. Ce qui lui avait fait se dire que c’était encore moins sa journée, le crispant en tout point. Heureusement, il avait pu se cacher dans la cuisine de cette luxueuse villa louée visiblement pour la soirée. Il avait poché ses motifs en crème, et il n’était toujours pas satisfait mais c’était fini. Il allait dire à sa collègue comment bien découper son gâteau, quand la future mariée lui sauta une fois de plus dessus, le serrant dans ses bras, lui embrassant la joue.

“T’es trop mignon ! C’est toi qui coupe le gâteau voyons ! Et tu restes avec nous pour profiter de la soirée !”

“Euh… C’est-à-dire que…”

Visiblement, il n’avait pas droit de réponse. C’était définitivement pas sa journée. Il était beaucoup trop fatigué. Il avait juste envie de dormir. Il se retrouve entraîné devant un bar improvisé et se retrouve avec un cocktail dans les mains.

“Je… Je bois pas d’alcoo…”

“T’en fais pas ! Y’en a presque pas ! Olala t’es trop mignon ! Viens danser avec moi !”

“Je… Je dois finir le gâteau…” dit-il en réussissant à dégager son bras.

La fuite, toujours. Il se réfugia dans la cuisine, le souffle court tellement la situation lui était anxiogène. Ok. Il allait rester là. Et tout irait bien. Il renifla le cocktail. ça sentait plutôt bon. Il en goûta une gorgée. On sentait pas vraiment l’alcool alors, il devait pas y en avoir beaucoup, non ? Il en but quelques gorgées en se disant que ça pouvait pas rendre sa journée encore pire. Il était déjà au niveau maximal. Entre son travail pas terrible (uniquement à ses yeux, il était très bien ce gâteau), et ce traquenard dont il ne pouvait partir, c’était pas sa journée. Vraiment pas. Il avait envoyé un sms à Lussi pour la rassurer et lui dire qu’il rentrerait sans doute encore plus tard que prévu. A son grand désarroi. Au moins, il avait pu laver ses ustensiles et tout ranger. Maintenant, il était bloqué dans la cuisine avec le bruit de la musique et des cris à côté. C’était vraiment pas son truc les fêtes. Il avait fini son verre, sentant une petite chaleur à ses joues. Il y avait peut-être un peu d’alcool dans ce cocktail quand même…

Sa collègue vint le voir, lui demandant s’il pouvait amener le gâteau en même temps qu’une surprise arriverait. Oui. Il y avait pas de soucis à ça. Il amena le gâteau quand ça sonna, le posant sur la table prévue à cet effet. Il y avait des nouveaux venus. Visiblement, des stripteasers ? C’était carrément cliché. Et il allait partir vers la cuisine -son refuge-, quand la future mariée l’alpaga à nouveau.

“Je veux que tu sois à côté de moi ! C’est pour te remercier ! T’es gay, non ?”

Le rouge sur les joues de Leon explosa. Il n’arriva même pas à dire un truc. Il était pas… Enfin à dire vrai, il savait pas. Il était sorti qu’avec des hommes, mais c’était plutôt parce qu’il ne semblait plaire qu’à des hommes d’un certain âge. Il en savait rien. Et c’était si gênant. Le voilà collé sur une chaise à côté de la future mariée. Il y a trop de monde, trop de bruit, et il aimerait être partout sauf ici en cet instant. Le regard rivé vers le sol. L’angoisse qui lui coupait le souffle. Totalement en décalage avec l’euphorie de la fête. Pitié, faites que le stripteaser ne vienne pas se trémousser sur lui. Il allait bien le voir qu’il voulait disparaître de là, non ? C'était vraiment pas sa journée...

- T’es prêt Kyle ?

L’interpellé jeta coup d’oeil au miroir, tourna sur lui même et remit une mèche rebelle en place d’un coup de main expert. Bien qu’à un regard non averti, il n’y avait aucune différence, le but de la coiffure étant un savant « décoiffé ». Style « je sors du lit » mais en version sexy.

- Oui c’est bon on y va ! Y’a qui avec nous ce soir ?

Le blond qui l’accompagnait eut un sourire en coin légèrement grimaçant.

- Ils ont remis ça figure toi …

Josh, car c’était bien lui, se figea puis secoua la tête en soufflant. La direction prenait un malin plaisir ces derniers temps à les accorder tous les trois lors des commandes de striptease à domicile comme ce soir. Lui, avec ses cheveux noirs, Liam (ou Samuel pour le boulot) avec ses cheveux blonds, et un petit nouveau à la chevelure rousse. Ca faisait beaucoup rire le manager (et le reste de l’équipe), et ils prenaient tous un malin plaisir à leur trouver des surnoms ridicules, passant des Totally Spies à « Desire’s Angels » ; qui était sensé être un jeu de mot entre « Charly’s Angels et leur job de stripteaser. Ce dernier avait tellement plu à la direction qu’ils envisageait carrément d’en faire une offre marketing durable, ce que Josh et Liam refusait pour l’instant catégoriquement.

- On y va les gars ?

Le ton joyeux et enthousiaste de Peter leur parvint en même temps que sa frimousse passait la porte. Il n’était pas beaucoup plus jeune qu’eux, à peine quelques années, mais son innocence, son physique de grand enfant et sa joie de vivre inébranlable lui enlevait encore une dizaine d’année et leur donnait -à Liam et lui- un coup de vieux continu.

- Ouais ouais on arrive…

Josh donna une tape d’encouragement sur l’épaule de Liam, poussant son esprit à passer en mode travail pour ne pas risquer de donner le vrai nom de son collègue lors de la performance.

- Rappelle moi ton nom de scène le nouveau ?

Peter se retourna vers lui avec un sourire lumineux à 2000 watts et lui répondit d’une voix pleine de fierté

- Danger. A l’anglaise.

- Ah oui. C’est vrai.

Il entendit Samuel feinter une quinte de toux pour cacher son rire, et se permit un sourire amusé. Le gamin a qui on avait envie de donner un bonbon avait choisi de se faire appeler Danger. Ce qui était quand même mieux que son premier choix qui était « Sexy Pete ». La direction avait refusé, trop proche de son prénom réel. Ils n’avaient eu aucun argument contre Danger par contre…

Alors qu’ils regardaient le paysage défiler depuis l’arrière de la limousine qui les emmenait sur site, Josh écouta Samuel briefer Peter (enfin Danger, s’il arrivait à s’y faire) sur les règles lors de ce genre de prestation, et s’assurer qu’il connaissait les limites pour lui, et pour les autres. Le thérian fronça alors les sourcils, reconnaissant le quartier.

- C’est à quel nom la commande ?


Le nom que lui donna Samuel ne lui disait rien, mais il fit quand même la moue. Vu où ils étaient, y’aurait probablement des filles qu’il connaissait à cette fête. C’était toujours plus compliqué quand c’était des connaissances. Non pas parce qu’il était gêné, mais parce qu’elles se permettaient des choses qu’elles ne feraient pas à un inconnu, surtout s’il avait eu le malheur de sortir ou de coucher avec elles dans ses plus jeunes années.
Samuel lui lança un regard compatissant et hocha la tête.

- On sera là pour s’assurer que leurs mains restent où il faut, t’inquiète !

Il hocha distraitement la tête alors qu’ils se garaient devant la porte. La musique s’entendait de l’extérieur, ainsi que de multiples cris aigus. Il allait sortir de là avec une de ces migraines…
Il se secoua brièvement, ferma les yeux et prit une grande inspiration, shiftant dans la peau de Kyle aussi facilement qu’il prenait celle de son loup. Sa position changea, sa démarche aussi se fit plus chaloupée, le regard aguicheur et le sourire charmeur, il était prêt pour le premier acte.
Pas de costume de pompier ou autre « bêtises bas de gamme pour amateurs » (de la bouche de la directrice) mais de beaux smokings -noir pour lui, gris clair pour Samuel, et d’un curieux mais joli vert sapin pour Danger- taillés sur mesure pour les mettre en valeur, et en même temps leur permettre assez de mobilité et de souplesse pour faire leurs numéros. Bien que les prestations pour les enterrements de vie de jeune fille ne soient de toute façon pas les plus compliqués ou les plus artistiques.
Ce n’était pas vraiment sa tasse de thé d’ailleurs, il préférait de loin les numéros sur scène, au club, et s’arrangeait en général pour échapper à la corvée des EVJ, mais depuis l’arrivée de Peter et la nouvelle lubie du manager de les appairer tous les trois, il y réchappait moins facilement.

- Game on…

Samuel répondit à son chuchotement en lui tendant le poing pour un check, tandis que Danger laissait échapper un bref gloussement d’impatience et de joie mêlées.

Les cris suraigus d’excitation les accueillirent à l’ouverture de la porte, et seul l’entrainement évita à Josh de grimacer malgré la plainte de ses tympans. Ils furent emmener par les bras et les manches jusqu’au salon, et c’était déjà tout un art de déjouer leurs mains baladeuses et avides sans vexer personne. Il fut agréablement surpris de ne reconnaitre aucun visage, ou que personne ne hurle son vrai prénom en le voyant. La soirée n’allait peut être pas être si mal finalement.

Arrivés dans le salon, la horde de filles en robes courtes et déjà passablement alcoolisées s’éparpilla en piaillant d’impatience, frappant dans leurs mains, découvrant deux individus sur des chaises au milieu du salon. Deux ?
Josh jeta un coup d’oeil à Samuel, un sourcil haussé dans une question silencieuse, mais ce dernier secoua la tête. Il n’était pas au courant. Il alla superviser Danger qui mettait en place la musique et indiquait aux autres filles comment se positionner pour ne rien rater du spectacle sans les gêner, lui laissant donc la situation à gérer.
Il avança d’une démarche fluide vers la future mariée -pas difficile de la repérer avec son diadème et son écharpe de type miss chesscross qui clamait son prochain mariage. Elle était plutôt jolie, non pas que ça changeait quoique ce soit, mais il avait juste l’habitude de remarquer ce genre de chose. Quant à l’homme à côté d’elle, impossible de savoir. Il ne voyait de lui que ses cheveux bruns ramenés en arrière dans un chignon serré, mais il fixait obstinément ses pieds -ou le sol ?- et ne semblait pas vraiment ravis de se retrouver là.

Josh adressa un sourire charmeur à Laura, qui était donc la cliente dont on enterrait la vie de jeune fille -expression plutôt glauque quand on y réfléchit non ?- , sachant pertinemment qu’il avait bien fait son travail quand ses yeux s’allumèrent de plaisir et de désir à sa présence.

- Bonjour Laura, je suis Kyle, je suis ravi de te rencontrer !

Sa voix était profonde, chaleureuse, et juste ce qu’il faut de suave pour contenir une promesse contenue de « plus ». C’était tout son métier. Donner envie, et promettre plus, sans jamais le donner.

- On n’était pas au courant que ton futur mari serait là pour le numéro. Ca change un peu la prestation.. Y’a des limites particulières pour Monsieur ?

Son regard gris se tourna vers l’homme, tentant de voir s’il allait répondre.
Ils connaissaient déjà celles de la cliente et de ses copines, et elles connaissaient également toutes les règles, mais une fois l’alcool et la soirée en cours, la mémoire leur faisait curieusement défaut, raison pour laquelle ils remettaient souvent le sujet sur la table avant de commencer. La cliente avait réservé une prestation striptease, puis compagnie. Ce qui voulait dire qu’ils passeraient le reste de la soirée sur place, à danser, flirter et animer la soirée jusqu’à une certaine heure. Aussi était-il nécessaire de s’enquérir maintenant de la suite des évènements.

Comment la situation avait-elle pu échapper à ce point à son contrôle ? Vraiment. A quel moment ça avait à ce point dérapé ? Quand il n’avait pas réussi à affirmer qu’il devait rentrer chez lui ? Ou alors, il était condamné à ce calvaire dès lors qu’il avait accepté de rendre ce service à sa collègue ? Il savait pas. Il avait l’impression que tout avait été si vite. Qu’il avait été comme pris dans un tourbillon. Le genre au milieu de l’océan et dont on ne ressort que noyé. Là, il avait l’impression qu’il se noyait. Peut-être parce qu’il avait du mal à garder le contrôle sur sa respiration, frôlant l’hyperventilation. Et l’animal en lui qui criait qu’ils devaient fuir. Mais il ne voulait pas se transformer là. Il avait bien trop honte de ses transformations. C’était un tourbillon de pensées. Et les cris qui s’étaient fait encore plus fort. Il avait mal à la tête. Il avait presque la nausée tant ça tournait dans sa tête.

“Je suis ravie aussi, Kyle ! Tu sais que tu es craquant !” lança la mariée tout euphorique.

Et elle pouffa à sa question. Son mari ? De quoi il parlait ? Les mots arrivaient au cerveau de Leon avec un genre de décalage. Comme un temps de latence. On parlait de lui ? Il avait du mal à réaliser. Il releva un peu la tête, rouge de honte, et crispé par le malaise d’être là, affiché devant pas un, pas deux, mais bien trois strip-teasers. Génial. C’était pas assez humiliant avec un seul. Comme quoi, une situation peut toujours empirer. Vraiment.

“C’est pas mon mari ! C’est le pâtissier ! C’est parce qu’il est trop mignon, je voulais qu’il profite du spectacle ! Il est timide mais je suis sûre qu’il est gay et que tu es son genre !” dit-elle toute volubile.

C’était pire que tout. Qu’est-ce qu’il avait fait au karma pour se retrouver dans une situation pareille ? C’était de loin la pire soirée de sa vie. Quoique. Non. Il y avait eu pire. Mais c’était au moins la pire depuis 5 ans ! Il releva les yeux vers Kyle -c’était son vrai prénom ?-. Son regard criait probablement tout son désespoir. Il ne voulait pas être là. Il criait silencieusement à l’aide. Au moment, où ses prunelles noisettes croisèrent celles grises de Kyle, il sentit comme un énorme frisson lui parcourir l’échine. C’était un peu comme un choc sans qu’ils aient eu le moindre contact. Il ne comprenait pas bien ce qui se passait. Peut-être que c’était juste son angoisse qui lui jouait un nouveau tour ? Non, ça ressemblait pas à ses troubles anxieux. C’était bizarre. Il resta figé. Peut-être que ça avait eu le mérite de mettre quelques secondes en sourdine le bruit ambiant.

“Pas… pas de contacts… S’il vous plait…” avait-il réussi à articuler comme demande.

Il ne voulait vraiment pas qu’on le touche. C’était déjà suffisamment éprouvant d’être là. Il n’aurait pas supporté en plus des contacts physiques avec un inconnu. Les câlins, il n’aimait qu’avec Lussi, sa mère, Dakota, et quelques très rares ami.e.s. Vraiment. Si le stripteaser pouvait rester à au moins un mètre de lui, c’était le mieux. Enfin, là, il avait surtout mal à la tête et envie de vomir tellement l’angoisse tordait son crâne et jouait au ping-pong avec son estomac.

- Je suis ravie aussi, Kyle ! Tu sais que tu es craquant !

La voix était haut perchée -que ce soit à cause de l'excitation, de l'alcool ou des deux, c'était passablement insupportable- et sa seconde phrase malgré sa syntaxe n'était aucunement une question. Aussi se contenta-t-il d'un sourire en coin, penchant légèrement la tête de côté pour faire tomber une mèche noire en travers de son regard. Cela eut l'effet escompté car les joues de la jeune femme rosirent d'autant plus avant qu'elle ne pouffe et ne réponde à sa question.
Tous les cours d'acting du monde ne purent l'empêcher de se raidirent alors qu'il l'écoutait parler. Oh, parce que ce jeune homme était gay (et ce n'était manifestement pas une affirmation, mais quelque chose dont elle était sûre), il était forcément son genre et donc ravi d'être forcé à subir un striptease..? La mâchoire serrée, son sourire se figea pour éviter de disparaitre complètement et il tourna les yeux vers le pâtissier en percevant son mouvement. Ce dernier avait en effet relevé la tête. Son visage était cramoisi de gêne et de honte, sa respiration beaucoup trop rapide, les mains si crispées qu'il devait en avoir mal aux articulations... Il voulut lui dire que tout allait bien lorsque ses yeux, qui avaient finis leur inspection, trouvèrent les prunelles noisettes qui le fixaient. Le temps sembla s'arrêter un court instant, comme si l'axe du monde venait subrepticement de changer. C'était à peine perceptible, mais c'était bien là. Josh fronça les sourcils, se sentant tout à coup mal à l'aise. Il avait mal au cœur et le souffle court, sans vraiment savoir pourquoi, sans vraiment en ressentir tous les effets. Sa tête lui disait qu'il avait du mal à respirer, mais ses poumons se portaient très bien....
Cela faisait des années qu'il n'avait pas fait de crises d'angoisses, mais il savait en reconnaitre les symptômes, bien qu'il n'en ressentait pas les effets. La voix du jeune homme le sortit de ses pensées, et il se rendit compte que tout cela n'avait duré que quelques secondes à peine. Il se força à se secouer, et la demande maladroite et incertaine du pâtissier déclencha une vague de douceur en lui qui chassa son curieux malaise précédent.

Il lui adressa un doux sourire, bien loin du personnage qu'il était sensé être et se tourna vers la future mariée, qui attendait la suite avec un grand sourire ravie. La mâchoire serrée, Josh du faire un effort quasi visible pour réchauffer son regard, forcer sa bouche à sourire et sa voix à ne pas claquer lorsqu'il réprimanda Laura.

- Il me semblait que nous avions été clair sur les limites de chacun et l'importance du consentement...?

Bon, manifestement ses efforts n'avaient pas été suffisants, car même lui pouvait entendre la froideur de son ton, et c'est tout juste si son loup n'avait pas grogné à travers sa gorge. Et vu la tête que faisait ladite Laura actuellement, elle s'attendait à ce qu'il lui saute dessus pour la bouffer. Ce qui, actuellement, lui semblait une très bonne idée...
Heureusement pour elle -et pour lui s'il voulait garder son boulot- Samuel intervint, joueur et charmeur, et réprimanda la jeune femme d'un ton taquin, lui prenant la main pour l'attirer vers lui, la levant de la chaise.

- Allons, allons ! En voilà une demoiselle bien coquine pour embrigader un pauvre jeune homme dans cette aventure ! Tu ne voudrais quand même pas me partager, si ..?

Il fit la moue, la faisant tournoyer sur elle même. Josh reporta son attention sur le pâtissier -dont il allait falloir qu'il apprenne le prénom plutôt que de l'appeler par son métier toute la soirée- lorsqu'il vit que son collègue avait les choses en main. L'avantage c'est que Laura semblait déjà avoir tout oublié, et riait bien volontiers dans les bras de Samuel, flirtant allègrement avec lui.
Un coup d'œil à Danger lui assura que ce dernier s'occupait du reste des filles, et qu'il pouvait s'en charger encore tout seul quelques minutes. Aussi Josh reposa-t-il son regard sur le jeune homme, ressentant à nouveau un étrange frisson lui parcourir la nuque lorsqu'il croisa ses jolies prunelles noisettes. Secouant la tête pour se défaire de l'impression, il tendit la main pour l'aider à se lever et le guider vers la cuisine, mais arrêta son geste un peu avant de le toucher, se rappelant de sa demande précédente.

- Viens... On va se poser dans la cuisine si tu veux...

Il prit les devants, curieusement incertain de la démarche à suivre, lui qui était pourtant à l'aise en toute situation. Ces sensations bizarres qu'il ressentait sans les ressentir lui mettait la tête à l'envers. Il entreprit donc de fouiller les placards jusqu'à trouver un verre qu'il remplit d'eau et le tendit au pâtissier, qui semblait respirer un peu mieux, maintenant qu'ils étaient dans la solitude et le calme -tout relatif- de la grande cuisine.
Et maintenant..?

Les quelques mots qu’il avait réussi à dire suffiraient à lui épargner le plus insupportable, hein ? Il était perdu. Vraiment. Et cette sensation bizarre. Cette vague d’agressivité qu’il sentit monter en lui. Sans qu’il la ressente vraiment. Il ne s’énervait jamais. Il était incapable d’agressivité alors… Qu’est-ce que c’était que cette sensation ? Il ne comprenait pas. C’était diffus mais… Il ressentait bien quelque chose comme de l’énervement ?

Il entendit les mots de Kyle comme au loin. Mais cela le rassura un peu. Il prenait sa défense, non ? Son consentement, il l’avait pas trop donné pour grand chose, alors fallait peut-être qu’il réexplique à la mariée. Cela lui donnerait peut-être l’occasion de s’enfuir. Quand même, il semblait vraiment… énervé. Pour lui ? C’était lui qu’on défendait ? Il ne comprenait pas vraiment ce qui se passait. Il n’avait pas forcément l’habitude qu’on prenne aussi vivement sa défense. Peut-être aussi parce qu’il faisait tout pour éviter ce genre de situation mais quand même c’était… Touchant ? Leon était surpris qu’on se soucie à ce point de lui. C’est vrai, quand on est introverti comme lui, qu’on a du mal à exprimer ses envies, les gens ont tendance à présumer très vite pour lui plutôt que d’attendre ses réponses.

Le reste alla un peu vite pour lui. Laura emmené par l’autre strip-teaser, et Kyle qui se soucie encore de lui. Cela semblait être une constante. Et… Il se sentait presque mal de monopoliser son attention. Il regarda sa main mais il ne la prit pas, préférant se lever par lui-même. Il hocha la tête, la cuisine, c’était bien. Il fila vers la dite pièce, se calant dans un coin de la cuisine, comme un petit animal effrayé -qu’il était-. Ses mains tremblaient vraiment. Mais… ça allait un peu mieux. On entendait un peu moins les cris suraigüs, et la musique. C’était un peu plus calme. Et puis, ici, on le forcerait pas à regarder un strip-tease. Pas que Kyle ne soit pas beau. Non. Vraiment, il était même… Vraiment très beau maintenant qu’il le regardait. Il prit le verre de sa main tremblante.

“M...merci…”

Ce n’était pas seulement pour le verre d’eau qu’il le remerciait mais pour la possibilité de fuir. Il but un peu du verre. Sa respiration encore un peu saccadée. Il se sentait un peu mal de l’inquiéter.

“ça… ça va aller…” murmura-t-il mal assuré.

Peut-être qu’il attendait juste ça pour retourner travailler. Après tout, on s’en fait pas pour un inconnu. Et pourtant, il avait cette sensation bizarre quand il croisait son regard. Et cette sensation d’incompréhension.

“Je… Je veux pas que vous ayez de problèmes… Vous...Vous devez peut-être y retourner….? Je… Je vais… rester ici… Elle va bien finir par… par m’oublier et… Je pourrai filer…”

Il croisa à nouveau son regard et il sentit un petit frisson. Il ne savait pas ce que c’était. Mais… C’était étrange.

“Merci… Pour… votre intervention, Kyle…”

Il essaya de sourire, c’était un peu compliqué, mais il eut un petit sourire, vraiment très reconnaissant. C’était étrange d’avoir quelqu’un qui le défende. Peut-être qu’il était plus touché que ce qu’il voulait bien montrer. Il reposa le verre sur le plan de travail, et il alla ouvrir le frigo, sortant un petit ramequin rempli de mousse au chocolat -qu'il restait de son pochage-, et il le tendit vers le strip-teaser, en plantant dedans une petite cuillère.

“Pour… pour prendre des forces avant… la foule hystérique de là-bas… si… si vous voulez…”

Il ne savait pas vraiment montrer sa reconnaissance autrement qu’en offrant de la nourriture aux gens. Faut croire qu’il n’y avait pas d’exception à ça.

Une fois dans la cuisine, il ressentit une sorte de soulagement qui ne lui appartenait à nouveau pas. Ou tout du moins, si c'était le cas, il ne savait pas de quoi il était soulagé. Cette binarité commençait à lui donner mal au crâne, et cela le démangeait d'abandonner cette peau pour un esprit qui réfléchissait de manière beaucoup plus simple, à qui tout cela importait finalement peu.
Mais ce n'était pas pour tout de suite, aussi se força-t-il a récupérer un peu de concentration sur le moment présent, et à laisser son introspection pour une autre fois.

Il adressa un sourire au jeune homme à son remerciement, et haussa légèrement les épaules. Y'avait pas de quoi, c'était normal. Curieusement, c'était dans le milieu du travail du sexe ou tout ce qui gravitait autour que l'on accordait le plus d'importance au consentement, aux limites de chacun et à tout cela. Il n'avait, finalement, fait que son travail.
Il hocha doucement la tête, amusé mais compréhensif.

- Je sais. Ca finit toujours par passer.

Il en savait quelque chose. Et à voir le pâtissier, c'était loin d'être sa première crise à lui aussi. Un petit rire lui échappa à la suite de ses paroles et il secoua doucement la tête.

- Oh crois moi, je suis pas pressé d'y retourner. On est là pour tout le reste de la soirée, je vais avoir largement le temps de mes les coltiner...Et puis, Danger sera ravi de n'avoir personne d'autre avec qui partager la vedette pendant quelques temps.

Les petits nouveaux en voulaient toujours plus, certains développaient même une certaines jalousie envers leurs collègues lorsque ces derniers plaisaient plus qu'eux-mêmes. Au bout de quelques années de métier, on voyait les choses différemment, on appréciait parfois un peu moins d'attention. Taquin, il ajouta :

- Et puis, tant que je n'entends pas crier à l'aide, c'est qu'ils s'en sortent.

Son interlocuteur releva la tête pour s'adresser à lui, poussant à nouveau leurs regards à se rencontrer, déclenchant encore une fois ce drôle de frissonnement dans sa colonne vertébrale. Josh remua les épaules dans un mouvement d'inconfort, comme pour tenter de faire disparaitre la sensation, tout en se demandant d'où ça venait, et qu'est ce qu'il lui prenait. Un étrange sentiment de reconnaissance le titilla brièvement alors que le pâtissier le remerciait à nouveau, et il écarquilla légèrement les yeux.
Venait-il de ressentir de la reconnaissance alors qu'il le remerciait ?

S'adossant machinalement au plan de travail, Josh se repassa les dernières minutes dans sa tête. La gêne, le malaise, la quasi crise d'angoisse, le soulagement, la reconnaissance... Par le loup tout puissant ! C'était une blague ?!
Il resta figé devant le jeune homme qui se retournait vers lui avec un ramequin de ce qui semblait être une délicieuse mousse au chocolat. Pourtant il ne pouvait détacher ses yeux de son visage, tentant d'y lire quoique ce soit qui validerait ou invaliderait sa subite prise de conscience. C'était pas possible si ?! Vraiment ?! Genre, 2 mois après Sigurd ?! Après ce qui s'était passé au bar ?! C'ETAIT UNE PUTAIN DE BLAGUE ?!
Il inspira vivement, sentant cette fois-ci des vertiges qui lui appartenaient bien. Il eut un petit sourire, refusant d'un petit mouvement de tête, pataugeant dans ses propres pensées pour tenter de sortir une réponse.

- C'est gentil mais non merci.

Il eut un petit sourire, et la trivialité de ce qu'il allait dire l'aida à reprendre contact avec la réalité.

- Elle a l'air délicieuse, mais je sais pas si tu as remarqué, je suis sensé me déshabiller plus tard dans la soirée. Avaler une mousse au chocolat n'est pas une bonne idée, si je veux éviter le petit gonflement du ventre en digestion.

Il ne faisait pas de régime, mais il faisait en général attention à ce qu'il mangeait, surtout les soirs où il se produisait. Le reste du temps, ni les burgers, ni le chocolat ne lui faisait peur, bien au contraire. Il fixait le visage du pâtissier, concentré sur l'intérieur de lui même, et il vacilla légèrement en ressentant une impression diffuse de déception mêlée de compréhension lorsqu'il donna sa réponse.
Eh merde. Il avait une âme sœur.

Cette simple affirmation déclencha quelques secondes de blanc total dans son esprit, sous le choc de la révélation, avant que son esprit ne se remette à fonctionner à toute vitesse. Trop d'émotions montaient en lui d'un seul coup, et il était absolument incapable de savoir ce qu'il pensait du fait d'avoir une âme sœur, et de l'avoir rencontré là maintenant. Il n'en était même pas encore à réfléchir de ce qu'il pensait d'avoir ce jeune homme particulièrement comme âme sœur, puisqu'il ne le connaissait de toute façon absolument pas.
Perdu. Il était complètement perdu, c'était ça.

Il cligna lentement des yeux, tentant de se reprendre pour ne pas paraitre totalement idiot devant son... Ouais nan, même en pensée c'était trop tôt. Tiens d'ailleurs, au lieu d'être imaginatif dans ses synonymes, ça serait peut être intéressant de connaitre son nom...?
Encore une fois, la logique et la rationalité de cette pensée le ramena sur terre. Il s'éclaircit la gorge, tellement perdu qu'il en oubliait comment se comporter, et du réfléchir à comment formuler sa phrase. Non vraiment, ça en devenait ridicule.

- C'est injuste, tu sais comment m'appeler, et moi pas. Je vais pas te surnommer le pâtissier tout au long de la soirée si ..?

Il avait bien dit "comment l'appeler" et non pas qu'il connaissait son prénom, parce qu'après tout ce n'était effectivement pas le cas. Et bien qu'il rechignait à s'entendre appeler Kyle par son.. euh.. ce jeune homme là, il ne savait pas vraiment comment il était sensé lui balancer son prénom maintenant. Il profita d'avoir relancé la balle de la conversation du côté de son interlocuteur pour se concentrer sur ce dernier, l'observant d'un œil nouveau. Il était plutôt grand, presque autant que lui mais pas tout à fait. Plus fin également, tant au niveau de sa stature que des traits de son visage que ses cheveux retenus en chignon dégageaient joliment. Il était très mignon, il aurait pu être carrément beau, mais sa timidité, son insécurité et la jeunesse qui se dégageait de ses traits le faisait basculer dans cette catégorie particulière de "cute". Ce qui n'était pas une mauvaise chose en soi, juste une constatation très personnelle. Il était difficile de lui donner un âge, mais Josh l'estimait au même que lui, à un ou deux ans près.. en moins.

Toute cette inspection ne lui servait absolument à rien pour gérer la situation, mais ça avait eu le mérite de le recentrer un minimum sur lui même, et de récupérer ses moyens. Ce qui était un sacré pas en avant par rapport à son état précédent, et qui lui serait utile pour aborder la suite de cette conversation qui promettait d'être... intéressante ? Mouvementée ? Catastrophique ? Emotionnelle ? Tout à la fois ?

Le léger amusement là. Cette détente, cette part d’assurance. C’était PAS lui. Et pourtant c’était EN lui. Ce qui était vraiment perturbant. Mais en même temps, cela le détachait un peu de sa propre angoisse, comme un détournement d’attention très malin de son cerveau perdu. Il ne comprenait pas ce que ça pouvait être. Il remonta le nez, en l’écoutant. Danger ? C’était un prénom ça ? Non… C’était un faux nom ? Alors Kyle, c’était sûrement un faux nom aussi ? A croire que son esprit avait le chic pour s’attacher aux détails insignifiants. Mais après tout, ça n’avait pas beaucoup d’importance. Ils ne se reverraient probablement jamais alors, il pouvait juste savoir qu’il s’appelait Kyle. ça irait largement.

“Oh… D’accord… Mais… Pourquoi vous êtes là si… Enfin… si ça vous déplaît ?”

Peut-être que c’était un peu naïf comme question. On ne fait pas toujours le boulot de ses rêves. Peut-être qu’il payait ses études comme ça, ou que savait-il encore.

“Pardon… ça… ça me regarde pas…” bafouilla-t-il en se rendant compte qu’il était vraiment indiscret.

Il eut une petite moue, un peu amusé par son répondant. Oui, probablement que si ils n’appelaient pas à l’aide, ça allait… Il s’affaira à attraper la mousse. Peut-être pour chasser cette étrange sensation qui ne le quittait pas. Ces sensations comme des parasites dans sa propre perception. C’était nouveau ça. Il se serait passé d’une nouvelle bizarrerie concocté par son cerveau anxieux vraiment. Il avait l’impression de sentir des choses pas à lui. C’était vraiment… bizarre.

Non ? Pas de mousse au chocolat ? Il regarda sa mousse, se demandant pourquoi il n’en voulait pas. Les gens aiment ça d’habitude. C’est un des classiques qu’on fait pour être sûr que ça plaise à tout le monde. A dire vrai, il était un peu déçu. Et en entendant l’explication il se mordit la lèvre. Mais quel idiot il faisait. Forcément. T’es vraiment nul, Leon.

“Pardon… J’avais… pas pensé... “

Tu penses jamais à rien. T’es un idiot, Leon. Il retira la cuillère du petit bol, et le remit au frigo.

“Si… Si vous en voulez plus tard… Je pense que personne n’y touchera…”

Ils seraient sûrement trop occupés à boire, dormir, ou danser. Il continua de mordiller sa lèvre, même si ça lui faisait un peu mal. Il était habitué. C’était une petite douleur rassurante. Un moyen de savoir qu’on est en contrôle. En quelque sorte. Et puis, il ne faisait mal qu’à lui à se mordre la lèvre au sang. ça ne dérangeait personne. Il s’arrêta en entendant Kyle qui lui parlait à nouveau. Il n’avait pas fait très attention au temps qu’il avait passé à fixer silencieusement la cuillère qu’il venait de poser dans l’évier. Il était si nul quand il fallait faire des choses… Normales ? Parler à un garçon qui vient de lui sauver la mise, ça devait pourtant pas être si insurmontable, non ? Si. C’était clairement au-dessus de ses maigres compétences sociales. Il sourit un peu à Kyle à sa question.

“Le.. Le pâtissier ça me va… Je crois que c’est comme ça que beaucoup de gens m’appellent…” répondit-il avec peut-être un peu de dépit dans la voix. “Mais… Mon prénom c’est Leon.”

Il se mordilla la lèvre encore. Ne sachant pas trop s’il avait le droit de demander ça. Bon de toutes façons… Il n’allait pas revoir ce garçon qui… Lui filait toutes ces impressions étranges. Il était en train de tomber amoureux ? Si c’était le cas, ils amélioraient grandement les sensations dans les films, parce que là, c’était juste étrange. Il ne lui était pas encore venu à l’esprit la nature du lien qui s’était lié entre eux. Oh non. Il ne pensait pas croiser son âme soeur ici alors, l’idée ne lui était même pas venu.

“Si… Si votre collègue c’est Danger… Kyle aussi c’est un pseudonyme, non ? C’est… Pour vous protéger des… furies ?” demanda-t-il un peu incertain. “Désolé… Si je dis une bêtise… J’ai encore jamais croisé de… De personne exerçant votre métier… Et… Je sais pas… Vous… Vous êtes vraiment… Charismatique ?”

Oui. C’était son charisme qui lui faisait de l’effet, voilà tout. Il ne fallait pas chercher plus loin. En même temps, il avait un regard si profond, une musculature digne d’une gravure de mode sous son smoking à n’en point douter. Alors… Pas si étonnant qu’il soit perdu, non ? C’était peut-être une répercussion de son célibat version longue ? Quoique, jusque là, ça avait jamais réveillé quoi que ce soit en lui alors… Il ne comprenait pas du tout. Il était perdu. Alors… Il revint mordre sa lèvre, comme pour reprendre le contrôle sur toutes ses sensations, un peu plus fort pour ne pas perdre pied.

- Oh… D’accord… Mais… Pourquoi vous êtes là si… Enfin… si ça vous déplaît ?

Josh leva un peu les sourcils, un sourire amusé sur le visage. Alors ça.. C'était incroyablement naïf et tout aussi adorable comme question. Et ne faisait que confirmer son estimation de l'âge du jeune homme. Jeune homme qui s'excusa en bafouillant à la suite de sa quesiton, déclenchant un petit rire chez Joshua qui secoua la tête.

- Non pas de problème ! J'ai pas trop eu le choix. C'était mon tour dans le planning de m'y coller alors me voilà !

Il haussa les épaules.

- C'est pas la partie préférée de mon travail, mais il faut bien que ce soit fait.

Il eut un petit sourire, continuant en le désignant d'un coup de menton :

- Je doute que tu adores faire la vaisselle, mais il faut bien la faire une fois que tu as finis le gateau non ?

Josh fut curieusement content d'avoir arraché une moue amusée au patissier qui semblait toujours terriblement mal à l'aise, même maintenant que la situation s'était améliorée. Peut être était-ce lui le problème finalement ?
Puis la réalisation du lien le frappa, il refusa gentiment la mousse au chocolat et... le drame. Alors qu'il tentait déjà de gérer son propre choc, une vague de honte et de dénigration éclata à l'intérieur, et il dut prendre une vive inspiration pour s'en débattre. Dis donc.. Ca ne lui appartenait pas, mais c'était violent. Il n'imaginait pas ce que devait ressentir réellement le jeune homme, et pourquoi il s'infligeait ça tout seul.
Le bon côté des choses, c'est que maintenant qu'il avait pigé ce qui se passait (enfin, c'était un grand mot, disons qu'il avait au moins compris l'existence du lien), il lui devenait plus facile de se défaire des émotions qui n'étaient pas les siennes. Hourra ...!

- T'excuses pas, c'est rien ! C'était super gentil de ta part ! Et j'irai volontier fouiner dans le frigo pour la gouter une fois que j'aurais terminé !

Il espérait que sa diversion permettrait d'alléger un peu les émotions négatives qu'il recevait en écho, et fut soulagé lorsqu'il aperçut un sourire -petit certes, mais un sourire- sur les lèvres du jeune homme alors qu'il répondait à sa question.
Léon. Il avait enfin un prénom. Bien... Il supposait qu'on avançait ? Curieusement, connaitre son prénom menaçait de lui donner une crise d'angoisse, comme si ce seul fait rendait tout le reste bien plus réel tout à coup. Comme si cela lui donnait une existence en dehors de cette maison et de cet instant.
Heureusement pour lui, Léon s'exprima à nouveau, empêchant ses pensées de l'emmener dans un tourbillon d'anxiété et d'angoisse.

... Des furies ? Cette fois, Josh ne put s'en empêcher et éclata d'un vrai rire. Pas du tout moqueur, mais d'un amusement réel. C'était une comparaison absolument parfaite, et il adorait l'idée. De plus... rire lui fit du bien, et il en ressentit un soulagement réel alors que se détendait en lui des muscles qu'il n'avait même pas conscience de contracter.
Il secoua doucement la tête alors que Léon s'excusait -ENCORE !- de sa question. Il s'apprêtait à répondre quand son interlocuteur continua de parler, et le qualifia de charismatique. Un drôle de sourire s'afficha sur la bouche de Josh, qui haussa doucement les sourcils. Il appréciait le compliment -genre vraiment- mais il avait un doute quant à sa provenance... Léon ne semblait pas du tout au courant du lien qui venait de se lier entre eux, et il ne savait pas trop s'il devait lui annoncer comme ça, de but en blanc, ou lui laisser le temps de piger tout seul...
Dans le doute, et pendant qu'il réfléchissait, il entreprit de répondre au reste de sa question.

- Oui Kyle est ce qu'on appelle mon nom de scène. Et c'est, effectivement, pour éviter que des clients, ou clientes, ne nous suivent, retrouvent dans nos vies persos. Déjà que certains y arrivent quand même... Imagine si on portait nos vrais prénoms !

Il fit une pause un instant, hésitant un peu, mais de toute façon il finirait bien par le savoir, surtout s'ils décidaient de se revoir ... Aussi lui tendit-il la main, à la fois pour accompagner la présentation qu'il s'apprétait à faire, et parce qu'il était curieux de savoir comment réagirait le lien si leurs peaux se touchaient. Et si cela suffirait à Léon pour comprendre ce qu'il se passait.

- Je m'appelle Joshua, mais tu peux m'appeler Josh. Enchanté Léon.

Il lui adressa un sourire craquant, qui était cette fois-ci totalement naturel, et 100% Joshua.

C’était terrible d’avoir l’impression que tout ce qu’on disait était une bêtise encore plus monumentale que ce qu’on avait dit avant. Et c’était un peu ce qu’il ressentait là. Il avait l’impression de passer pour un idiot. Enfin… Sans doute qu’il l’était un peu. Il fut un peu surpris par le rire de l’homme. Rire qui n’avait rien de moqueur. C’était surtout ça qui le surprenait en fait. C’était agréable, et doux. Il hocha un peu de la tête, signe qu’il écoutait ses réponses attentivement.

“Je comprends… Oui… Oh… J’aime bien faire la vaisselle… Je suis un peu maniaque alors… Je crois que j’aime bien aussi…” avoua-t-il avec un petit sourire.

Il allait paraître un peu bizarre. Un peu plus ou un peu moins. Au point où il en était… Il devait passer pour un mec angoissé et beaucoup trop coincé. Et maladroit. Nul. Il était juste nul à ne penser à rien. A proposer des choses idiotes. Il se flagellait intérieurement avec bien plus de conviction que le pire de ses ennemis -jusqu’à preuve du contraire, il n’en avait jamais vraiment eu d’ennemis-. Il fut peut-être un peu soulagé que Kyle lui dise qu’il viendrait après. Il ne savait pas trop pourquoi il faisait tant d’efforts pour être gentil avec un weirdo dans son genre. Il comprenait pas. Mais… Quelque part, ça lui faisait du bien ? Il savait pas. C’était un peu le bazar dans sa tête avec ces impressions étranges.

Il sentit l’amusement le gagner. Son sourire s’agrandit un peu. Influencé par le rire de Kyle. Et cette sensation douce dans son coeur, cet amusement sincère et distant quand même. C’était de plus en plus bizarre. C’était vraiment pas comme les coup de foudre décrit dans les films. C’était beaucoup moins net et évident. C’était quoi alors ? Il pataugeait dans ses sensations.

“Oui j’imagine… ça doit être… Angoissant.”

En même temps, qu’est-ce qui n’angoissait pas Leon ? Vraiment. Mais l’idée d’imaginer des gens capables de le suivre jusqu’à chez lui, brrr, ça lui filait des frissons d’angoisse. Il n’aurait définitivement pas apprécié ce genre d’emplois. Et en même temps, ça ne lui était jamais venu à l’esprit. S’il n’avait pas eu sa passion pour la pâtisserie, il aurait sûrement fait un travail de bureau. Comptable ? Ou quelque chose dans ce goût-là. Ses professeurs l’avaient poussé vers des études d’excellences vu ses notes mais…. Non, il n’aurait clairement pas pu devenir homme politique ou responsable de quoi que ce soit.

Il venait de lui dire son nom ? Alors, il n’était considéré comme une furie ou un stalker potentiel ? Oh. C’était gentil ? Il regarda sa main et réagit avec un léger temps de retard, allant la serrer doucement. Leon était ce genre de personne qui n’osait pas serrer avec conviction la main des autre de peur de faire mal. Et… D’habitude, il retirait vite sa main. Mais là. Là. C’était différent. Il sentit comme une vague d’assurance, mêlée de curiosité. Ce n’était pas à lui. Et les sensations. Comme s’il sentait les sensations de sa propre main. ça n’avait pas de sens. Il serra un peu plus sa main, s’accrochant, un peu perdu dans tout ça. Ce n’était pas un coup de foudre, c’était…

“Mon… mon âme…” murmura-t-il sans s’en rendre compte, n’arrivant pas à finir le qualificatif.

C’était impossible. Il ne pouvait pas tomber sur son âme soeur comme ça. Il ne comprenait pas. ça ne faisait aucun sens. Il était perdu. Il croisa le regard Josh. Perdu. L’interrogeant silencieusement. Puis après quelques secondes de battement, il ouvrit la bouche mal assuré.

“Tu… Tu ressens… pareil ? C’est… Je suis pas fou ?” demanda-t-il un peu anxieux. “On est… Comment c’est… Tu… Je… Je comprends pas… Pourquoi… Maintenant… Et… nous ?”

Ce “nous” lui semblait si bizarre. Pourtant… Il y avait quelque chose qui les avait transformé en un “nous” bien malgré eux.

Josh manqua d'éclater une nouvelle fois de rire à la réponse de Léon sur les particularités de son travail. Il semblait y avoir de nombreuses choses qui lui paraissaient angoissantes à ce garçon. Sa vie ne devait pas être facile tous les jours !
Il perçut sans mal l'hésitation du pâtissier à lui serrer la main, et il ne fut pas vraiment surpris qu'il se contente quasiment de mettre la main dans la sienne, sans la serrer vraiment. Tout du moins au début. La sensation frissonnante qui lui remonta tout le bras jusque dans la nuque semblait partagé, et il vit les yeux noisettes de Léon s'agrandir de choc et de compréhension. Un sourire en coin s'afficha sur le visage de Josh, bien qu'il ne dit rien. Chacun son tour mon grand...
Alors qu'il lui semblait entendre Léon balbutier quelque chose, il reçut l'étrange sensation de tenir sa propre main, et du secouer la tête pour revenir dans son propre corps. Ca, c'était vraiment trop bizarre, et définitivement pas agréable... Bien pire que de ressentir des émotions qui n'étaient pas les siennes.

Le regard paniqué et complètement paumé de l'autre garçon croisa le sien, alors qu'il s'agrippait toujours à sa main. Curieusement, bien qu'il ne le connaisse pas vraiment, il ne ressentait pas vraiment l'envie de le lâcher. La sensation de sa main dans la sienne lui paraissait... Normale. Agréable, comme quelque chose qui était enfin à sa place... Et c'était carrément flippant en y réfléchissant.
La voix de Léon se fit à nouveau entendre, et il focalisa son attention sur lui, tentant de saisir et de construire lui même une phrase avec les mots dépareillés que lui donnait ... que lui donnait son âme sœur. Il retint tout juste une grimace à cette pensée, c'était vraiment trop trop bizarre.
Sentant monter en lui une anxiété qui n'était pas encore la sienne, mais qui pourrait très vite le devenir s'il y réfléchissait de trop, il préféra répondre à Léon, histoire de couper court à leur panique respective.

- Oui, je ressens pareil. En fait, je l'ai pigé y'a un moment, mais le fait que toi pas, m'inquiétait un peu... On a jamais entendu parler d'un lien d'âme sœur à sens unique, mais avec ma chance... On sait jamais.

Il grimaça légèrement, puis haussa les épaules en réponses au reste des paroles de Léon.

- Je sais pas. Je suis pas sûr qu'il doit y avoir une raison hein..? C'est le Karma quoi.

Ouais... Quand on y pensait, ce serait probablement pire s'il y avait une raison, parce que ça voudrait dire que le Karma s'était royalement foutu de sa gueule en donnant un mec -un abruti en plus- comme âme sœur à Sigurd alors qu'il était incapable d'avancer sur ce terrain avec son meilleur ami. Et ca aurait aussi voulu dire que le Karma estimait que ce con d'Ace était mieux pour Sigurd que LUI. Donc ouais, il préférait largement croire qu'il n'y avait pas de raison à l'appairage d'âme sœurs et à leur rencontre soudaine. Vraiment pas.
Il serra la mâchoire, tentant de redescendre de l'agitation et du début de colère dans lesquelles ses pensées le faisaient monter. Il souffla doucement, observant le visage de Léon qui semblait aussi inquiet qu'il était perdu dans ce qui se passait. Il avait l'air d'être sur le point de fuir à toute jambes... ou de tomber dans les pommes.
Incertain de la marche à suivre, et n'étant pas vraiment sûr de bien subir un rejet à l'heure actuelle, Josh força un sourire sur son visage et lâcha doucement la main de Léon, à regret.

- Ne t'inquiète pas... Je t'embêterai pas avec ça. On pourra même ne jamais se revoir si tu veux.

Il accentua son sourire comme pour appuyer ses paroles, et préféra tourner les talons avant une réponse positive du pâtissier. Non décidément, après ces derniers jours, il n'était pas en capacité émotionnelle de se faire rejeter à nouveau... par son âme sœur en plus. Ca ferait beaucoup, beaucoup trop d'un coup.

Un peu vacillant, il retourna dans le salon, prenant une grande inspiration pour tenter de se vider la tête et de renfiler mentalement sa "tenue" de travail. C'est Samuel qui vint à sa rencontre, échangeant avec lui un regard interrogateur, limite inquiet.
Aussi lui renvoya-t-il un grand sourire et un léger hochement de tête avant de jeter un coup d'œil à la ronde. Il avait manifestement un bon timing, puisqu'il revenait pile à temps pour commencer leur numéro en duo. Il fit un signe de la main à Danger qui lança la musique et fit signe aux filles de se replacer comme cela leur avait été indiqué.
La future mariée et l'une de ses demoiselles d'honneur étaient au centre, sur des chaises, dos à dos pour l'instant. L'anticipation et l'excitation se lisaient sur leur visage, accentuées par l'alcool et l'euphorie de la soirée. Heureusement pour lui, les premières notes de musique vinrent l'aider à finir de se vider la tête, et le glissèrent dans cette curieuse transe dans laquelle le plongeait la danse. Comme si plus rien d'autre n'avait d'importance que sa prestation, que les mouvements de son corps en accord avec la musique. C'était un sentiment de sérénité profonde, d'un bien être intense qui ressemblait grandement à ce qu'il pouvait ressentir sous sa forme de loup.
En synchronisation parfaite avec Samuel, il commença à bouger en rythme sur la musique entrainante et séductrice qui se jouait dans les hauts parleurs des enceintes qu'ils avaient amenées. Leurs mouvements lascifs les amenèrent près des filles assises alors que leurs copines, debout en demi-cercle un peu derrière, sifflaient et criaient d'engouement. Et ils étaient encore totalement habillés ...!

Ce lien, Leon était pas sûr de savoir pourquoi il lui tombait dessus. Pas sûr que qui que ce soit mérite d’être lié à quelqu’un comme lui. Il allait ressentir ses émotions ? Il allait tout ressentir ? Chaque angoisse ? Non. Non. Il fallait pas, ça allait être insupportable, il allait vouloir le tuer. C’était… La panique dans sa tête. Une confusion assez violente. Il n’arrivait pas à voir de positif pour le moment. En fait, il plaignait surtout ce pauvre garçon qui avait l’air si à l’aise avec tout et… Qui héritait de la pire âme soeur.

“Je… J’avais pas compris… Je… Je croyais que… Enfin…”

Non, il allait éviter d’avouer qu’il pensait que c’était un coup de foudre un peu nul. C’était pas vraiment quelque chose à dire. Ni qu’il pensait à un coup de foudre, ni qu’il avait trouvé que pour un coup de foudre, c’était naze. Bref. C’était la mélasse dans son cerveau, il se sentait s’embourbait, ne sachant absolument ce qu’il était censé faire ou dire dans une situation pareille.

Il sentit un pic de colère lui arriver. C’était… lui qui l’énervait déjà ? Qu’est-ce qu’il avait dit ou fait pour le mettre en colère ? Il voulait pas. Il voulait que ça se passe bien. Non. Il avait raté jusqu’à sa rencontre avec son âme sœur ? Il venait vraiment de mettre en colère son âme sœur juste…. En étant lui ? Et il partait comme ça ?

Ce qu’il venait de dire. Il ne voulait pas le revoir ? Qu’est-ce que ça voulait dire ? Leon ne comprenait pas et il ne lui laissait même pas le temps de dire qu’il voulait le revoir au contraire. C’était qu’il n’en avait pas envie… Oui. C’était sûrement ça. En même temps, comment pourrait-il avoir envie de quoi que ce soit avec lui ? En sentant ce qui se passait dans sa tête ? Il était complètement perdu. Il resta quelques secondes dans la cuisine à se demander ce qui venait de se passer. Il se sentait d’un coup très seul. Il prit sur lui et s’approcha de la porte, restant dans l’encadrement. Il observait de loin. Il sentait un peu la confiance de Josh en écho en lui. C’était quelqu’un d’assuré. Il dégageait un charisme naturel. Il semblait si à l’aise. Leon était trop différent. Il ne pouvait voir que leurs différences si évidentes. Ils n’avaient rien en commun. Ce lien… Il s’était trompé en les rattachant l’un à l’autre. Le karma devait bien faire des erreurs parfois. Il hésita mais en le voyant si à l’aise, en le sentant si confiant, Leon comprenait mieux pourquoi il avait proposé qu’ils ne se revoient pas. Parce que ça n’avait aucun sens qu’ils se voient à nouveau. Joshua était très bien sans ses angoisses, sans ses doutes, sans lui, en fait.

Le pâtissier retourna dans la cuisine, récupérant ses quelques affaires, calant son sac sur le dos. Il se faufila par l’arrière de la maison. Il prenait littéralement la fuite. Comme… Toujours. Il s’en voulait de faire ça, mais… C’était sûrement mieux. Personne ne veut être vraiment lié à lui. Personne ne veut ressentir ce qu’il ressent. C’était un cadeau qu’il faisait à Josh que de partir… Non ? Il était perdu, en pleurs, courant dans la nuit à toutes jambes en espérant qu’il y ait assez de distance entre eux, qu’il ne ressente plus tout ce tumulte en lui. Plus jamais. S'ils restaient loin l'un de l'autre, tout irait bien pour Joshua. Il ne le contaminerait pas avec ses émotions.