Ellie Devilliers ~~Entre les Bruyères et les Orchidées

Il y a de très grandes chances qu’une première rencontre avec Ellie Devilliers se fasse au sein de sa boutique. Si c’est le cas, les gens penseront d’elle que c’est probablement une femme charmante, sérieuse, et professionnelle, ce qu’elle est absolument. D’apparence calme, la jeune femme semble s’animer d’un feu sacré lorsque l’on parle de sujets qu’elle adore comme les plantes ou bien son don. Si c’est le cas, celle-ci deviendra une pipelette inarrêtable jusqu’à ce qu’elle se rende compte de ce qu’elle a fait. Car si elle ne peut s’empêcher de parler de ses passions pour les partager avec le quidam, Ellie reste tout de même quelqu’un de timide et peu sûr d'elle. La plupart du temps elle se demandera si ce qu’elle a fait est correct, et sa capacité à douter d’elle-même la pousse à remettre en question toutes les décisions qu’elle prend quotidiennement ou presque. Heureusement, au fil des années, Perceval son eidolon a su adoucir ce trait de sa personnalité. C’est une personne qui se remet donc régulièrement en question, à tort ou à raison et qui apprend de ses erreurs afin d’éviter d’en faire d’autres. Toute sa vie, Ellie a vécu selon des principes qui font désormais partie d'elle, notamment un amour incommensurable pour la diététique qui fait d’elle une “mère-poule” auprès de ses frères (surtout l’aîné atteint de diabète) et de ses amis.  Et des amis, même si elle n’en a pas pléthore, elle s’en fait facilement. Car Ellie est quelqu’un de naturellement aimable et facile à vivre, avec une conversation plutôt vaste et variée qu’elle a appris à mettre à son service notamment quand elle travaille, que ce soit dans le commerce ou auprès de ses élèves. En parlant d’élèves, le poste d’instructeur qu’elle a depuis trois ans la remplit de fierté et de joie. L’élémentaire aime se sentir utile à sa communauté et transmettre l’amour de son don, la satisfaction d’avoir persévéré pour atteindre ses objectifs et les valeurs que ses parent lui ont inculquées. C’est une personne qui aime aussi apporter de la joie aux gens qui l’entourent et rien ne la rend plus heureuse qu’un visage qui s’éblouit quand elle créée de petites sculptures éphémères avec sa glace.

Sinon, dans sa vie privée, Ellie se considère comme une madame tout-le-monde, avec sa maladresse maladive, son sens de l’orientation horrible et ses goûts vestimentaires aussi pauvres que douteux. C’est une femme qui s’espère simple, se pense parfois simplette, même, et fait de son mieux pour que les gens qui l’entourent se sentent bien.

On peut dire que le don d’Ellie est une part importante de sa vie. Si on lui demandait quel genre de don elle aurait voulu si elle avait été un méta, la jeune femme aurait probablement trouvé quelque chose de proche parce que son lien avec l’eau, avec la glace, avec la nature son rapport à l’énergie qui la traverse, à la méditation, à ce qui la connecte au reste du monde est quelque chose d’essentiel à sa vie. La jeune femme vient d’une famille ancestrale d’élémentaires, plutôt de terre, même si quelqu’uns des siens se sont glissés, joueurs, dans l’arbre généalogique des Devilliers. Quand elle est née, avec son jumeau, déjà leur parent s’attendaient à rajouter deux élémentaires de terre à leur petite clique mais ni l’un, ni l’autre n’ont rempli le contrat, au grand bonheur de la petite famille. Dans tous les cas, tous les deux ont été élevés sur le même modèle que leur frère aîné: à grande dose de sagesse et de méditation, dons ou pas. Si bien que la méditation fait partie du quotidien de la jeune femme et l’aide réellement à manier l’eau. Ellie s’entraîne avec son élément tous les jours et le manie dès que le besoin s’en fait sentir, ou pas d’ailleurs. Elle s’est spécialisé dès qu’elle l’a pu dans la glace et est capable de réalisations d’une minutie et d’une finesse impressionnantes quand on connaît son immense côté maladroit. Ses entraînements répétés lui permettent maintenant de crée quelques gouttes d'eau à partir de rien. Sa maîtrise de l’eau et de la glace, ainsi que la patience dont elle fait preuve l’ont tout naturellement conduite sur le chemin de l’instruction. Elle ne doit qu’à son eidolon de lui avoir donné suffisamment confiance pour franchir le pas. Aujourd’hui, c’est un professeur très doué et apprécié de ses élèves, pour sa capacité à apprendre mais aussi ses célèbres gaffes à répétition.

Voir le jour dans une famille d’élémentaires presque uniquement de terre signifie avoir deux parents qui n’attendent que ce genre de manifestation de la part de leurs nouveau-nés. Avec un premier fils dont les éclats de rire faisaient déjà pousser de petites pâquerettes à l’âge de six ans, le contraire aurait été étonnant. Quelle surprise alors de voir que de leurs jumeaux aucun des deux n'avait cette affinité. Le petit Nate était né sans don, une rareté, une pépite comme l’appelait leur père et Ellie avait rapidement développé une affinité avec l’eau. Ce petit détail n’avait gêné personne dans la famille et personne non plus dans la ville de Soudan, Minnesota, où résidaient les Devilliers. A l’époque cette petite ville des grands lacs n’était habitée que d’élémentaires, principalement d’eau et de terre, vivant en harmonie sous la protection du maire de leur village: Mathilda Devilliers, la mère d’Ellie. Si leur travail était chronophage (puisque le père d’Ellie était lui-même instructeur au sein de sa communauté, chez les tout petits), les parents Devilliers trouvaient toujours le moyen de passer le plus de temps possible avec leurs trois enfants leur apprenant les choses essentielles de la vie, le respect qui était dû à toute chose, vivante ou non, l’amour du travail bien fait, de la nourriture saine (même si Sam, l’aîné d’Ellie, avait beaucoup de mal avec cette partie là) et surtout, surtout, l’amour de soi, le pardon. Oui, pour Ellie, ses parent étaient des trésors qui lui avaient montré les plus beaux joyaux que la terre ait porté, des valeurs précieuses à chérir, développer et aimer jusqu’à les faire sienne complètement. Et c’est sur ce modèle de vie qu’Ellie vécut pendant dix-huit ans.

Bien sûr, tout n’était pas rose tous les jours. Ellie était une enfant énergique, agitée et curieuse et cette curiosité l’amenait souvent à se mettre dans des situations peu confortables. Son sens de l’orientation déplorable les avait fait perdre dans la forêt avoisinante plus d’une fois, ses frères et elle. Son imagination débordante l’avait même amenée à se casser un membre, cette fois-là quand, à sept ans, elle avait cru apercevoir une fée et avait grimpé à un arbre pour l’observer de plus près...avant de perdre l’équilibre et de tomber sur son coude. Heureusement, James et Mathilda, ses parents, épaulés de Sam, avaient su la canaliser et la responsabiliser à l’aide des plantes, en lui en confiant quelques-unes et en lui donnant la tâche ardue de s’en occuper. C’était une vraie surprise, de voir à quel point la jeune fille était rapidement tombée amoureuse de ces êtres charmants, plus encore de la voir réussi cette épreuve et prendre soin avec brio de toute ses “pensionnaires” comme elle les appelait déjà.

Les joyeusetés de sa vie d’enfant laissèrent place aux turbulences de son adolescence, à cette période de doute où Ellie se chercha beaucoup, sans se trouver vraiment. IL était difficile de dire exactement quand elle comprit qu’elle était différente, peut-être après sa première copine, peut-être en tombant amoureuse d’un garçon, elle ne se souvenait plus vraiment mais un jour, Ellie comprit que le sexe était une notion absolument trop abstraite pour elle dans une période de sa vie où, si elle avait bien tout saisi, ses hormones en ébullition devaient la conduire dans ce sens. Les désagréments et questions qui s’en suivirent furent plus faciles à encaisser que ce qu’elle aurait pensé, grâce à ses deux frères qui veillaient au grain (et la façon dont les clés de voiture d’un de ses ex se retrouva sur le toit de la bibliothèque de la ville resta pour toujours un mystère). L’adolescence signa également un tournant dans la relation entre les jumeaux. Si durant l’enfance, ils étaient assez proches malgré leurs caractères plutôt opposés,  Ellie remarqua durant ces années-là une sorte de désolidarisation de Nate avec le reste de la famille. Et si ce fait l’attrista, elle ne dit ni ne fit rien pour le changer, l’acceptant en silence.

L’année de ses dix-huit ans changea sa vie à tout jamais quand la jeune élémentaire se réveilla dans un lit d'hôpital, ses deux frères auprès d’elle, absolument surprise de les trouver là. Son dernier souvenir remontait à il y avait trois mois, approximativement et tout le reste avait été effacé. Amnésie temporaire dûe au choc de l’accident, selon les médecins. Peut-être que ses souvenirs pourraient revenir un jour, peut-être pas. Tout ce qui était sûr était la chose suivante, indiquée par Sam: Ellie était partie avec ses parents en début de soirée pour un trajet quelconque et ils n’étaient pas revenu. L’hôpital avait appelé à la maison et Sam avait conduit la seconde voiture de la famille jusque là. Sa cadette était en vie, miraculeusement intact. Leurs parents n’avaient malheureusement pas eu cette chance.

Se relever après ce genre d’annonce quand on avait eu une famille si unie était une expérience unique, unique et terriblement difficile. Pourtant, Sam n’eut pas le choix. A vingt-quatre ans à peine il prit les rennes de la famille et prit soin des jumeaux qui, chacun de leur côté, plongeaient dans un deuil qui semblait infini. Ellie commença le sien à la sortie de l’hôpital, se cloitrant dans sa chambre, écoutant de la musique triste afin d’essayer d’évacuer la tristesse et la douleur mais rien ne semblait fonctionner. Et puis, et puis un matin, avant même d’ouvrir les yeux, elle sentit quelque chose, un truc profond et nouveau en elle. Et quand son regard se fit plus net et que le sommeil la quitta complètement, elle la vit. La loutre. A quelques centimètres d’elle. Elle n’eut pas le réflexe de crier, de sursauter ou de faire un quelconque geste pour la faire partir, non, elle resta juste allongée, les yeux plongés dans les billes noires et intelligentes de la loutre, une grande paix remplaçant l’abattement au sein de son coeur. Son eidolon. Cette loutre était sans aucun doute son eidolon. Et alors qu’Ellie approcha la main de l’animal, celui-ci fit un mouvement du museau, presqu’un hochement de tête  et sa voix résonna dans le crâne de l’élémentaire. Son eidolon. Perceval. Il était arrivé pour la soustraire à toute cette peine.

L’arrivée de son eidolon fut loin de suffir à sortir la tête d’Ellie de l’eau. Pour ça il fallait y aller doucement, ne rater aucun palier de décompression,  par peur qu’elle perde quelque chose en route. Heureusement Sam était quelqu’un de patient et tout l’amour qu’il avait, il le donna aux jumeaux. Cependant leur situation semblait au point mort si bien qu’il prit la décision de déménager à plus de trois mille kilomètres de chez eux. Il voyait dans Chesscross l’opportunité de commencer une nouvelle vie, de découvrir le monde qui les entourait (et qui ne se résumait pas à leur petite communauté élémentaire). Si bien qu’à l’aube des dix-neuf ans des jumeaux, les trois Devilliers ( et deux eidolons) emménagèrent à Chesscross. Les jumeaux sortirent peu à peu la tête de l’eau dans ce nouvel environnement, changés par cette épreuve, peut-être un peu plus matures aussi. Ellie en sortit grandie. Avec l’aide de Perceval, elle apprit à s’affirmer un peu plus et les tensions qui régnaient entre son jumeau et elle explosèrent, provoquant un éloignement du frère et de la soeur qui ne se parlèrent plus pendant pratiquement un an. Suite à cette dispute, elle prit la décision de déménager pour vivre seule et continua d’avancer dans sa vie. Aujourd’hui, elle est parfaitement heureuse dans sa vie privée ainsi que professionnelle.